Karine Denault : Mise en forme
Scène

Karine Denault : Mise en forme

Karine Denault revient à la charge, à Tangente, avec sa toute dernière création, Sokrat. Un point de vue ironique sur notre système de valeurs social, basé sur le capital.

Lorsque j’ai rencontré la chorégraphe pour qu’elle me parle un peu de sa nouvelle pièce, elle m’a avoué que depuis le début du processus de création, en août dernier, bien des choses avaient changé. "Au départ, j’avais l’intention de faire comme pour mes pièces précédentes, c’est-à-dire un solo. Puis tout à coup j’ai eu envie de ne plus me retrouver seule en studio. Je voulais aussi faire sortir de l’ombre les collaborateurs avec lesquels je travaillais. C’est ainsi que je me suis progressivement détachée de l’œuvre en impliquant d’autres interprètes que moi et en amenant les concepteurs de son, de lumière et de texte sur scène. Le spectacle, c’est maintenant eux, ce n’est plus moi."

Se retrouver tout à coup à l’extérieur de sa propre création, alors qu’on est habitué à interpréter, peut s’avérer angoissant et déstabilisant. "Il m’a fallu trouver une manière de transférer ma gestuelle sur d’autres corps que le mien. Donc, apprendre à trouver les bons mots pour expliquer ce que je voulais. Il m’a fallu également envisager le fait que ça puisse donner autre chose que ce que ça donnait sur moi. J’ai alors dû, dès le commencement, accepter de lâcher prise sur certains détails formels auxquels je tenais auparavant." Tout ça, pour le mieux, nous assure par la suite Karine Denault, car l’œuvre à pris au fil du temps une orientation multidisciplinaire tout à fait singulière que toute l’équipe a rapidement investie d’une manière fort créative.

Sokrat est directement inspirée du texte poético-philosophique L’argent, de Christophe Tarkos. Le titre de la pièce fait d’ailleurs référence au nom de famille de l’écrivain – il s’agit de celui-ci écrit à l’envers. Une autre influence vient s’ajouter à la première: le film Network, de Sidney Lumet. "En fait, le film de Lumet est un pendant cinématographique de l’univers ironique proposé par Tarkos dans L’argent. Les deux mettent en relief l’absurdité d’un monde dont l’ultime valeur sociale est désormais l’argent."

L’auteur invité Àlain Farah, qui s’était déjà penché sur L’argent de Tarkos au cours de son mémoire de maîtrise, récitera sur scène des extraits du texte, en compagnie des danseuses Caroline Gravel, Julie Labelle et Audrey Lehouiller, des compositeurs (musique) Alexandre St-Onge et Roger Tellier-Craig, ainsi que du concepteur d’éclairages Armando Gomez Rubio.

Quoique l’idée de fond soit issue d’un texte, le tissu chorégraphique n’est en rien narratif, précise la chorégraphe. "Sur ce point, ça va dans le même sens que mes autres pièces. Il s’agit plus de créer des états poétiques et des mouvements abstraits, que de vouloir simplement raconter quelque chose. De manière plus pointue, je dirais que j’effectue plus particulièrement un travail d’énergie, de points de tension et d’extrémités. Mon objectif premier n’est pas de créer strictement des formes… je crois que ça va plus loin que ça."

De plus, ce travail a fait ressortir certains enjeux multidisciplinaires qui n’étaient pas aussi présents dans les œuvres précédentes de Karine Denault. Celle-ci affirme d’ailleurs que le grand défi de Sokrat a été de faire interagir l’écriture chorégraphique avec tout le reste, tout en maintenant une certaine cohérence entre les disciplines mises en jeu. "C’est facile de plaquer des trucs les uns à côté des autres, sur une scène. Ce qui est moins évident, c’est que ce soit pertinent et intéressant. Pour notre part, le bon scénario est apparu il n’y a qu’une semaine environ. C’est souvent comme ça. On explore un long moment, puis on s’aperçoit tout à coup que ça fonctionne!"

Du 19 au 22 mai
À Tangente

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