Le Feuilleton : Corps et âme
Le Feuilleton se situe entre la télésérie, le théâtre et l’improvisation. Entrevue avec Vincent Rouleau, le réalisateur et scénariste de cette pièce divisée en cinq épisodes présentés hebdomadairement.
"L’idée de ce spectacle m’est venue en pensant aux paparazzi. J’imaginais une société où les images sont tellement importantes, ont tellement une grande valeur que la caméra devient pratiquement une arme. En jasant de cette idée avec Christian Laurence de KINO, il m’a demandé si j’avais déjà entendu parler de ce vieil adage amérindien qui dit que tout humain dont l’image est captée perd automatiquement son âme. Je me suis dit: voilà! Et j’ai fait le lien avec les paparazzi", raconte Vincent Rouleau. "On n’a qu’à penser aux stars dont on prend une partie de la vie, dont on sait trop de choses, comme c’est le cas avec Jennifer Lopez, dont on suit la vie pas à pas, imaginant toutes les possibilités pour en savoir davantage."
L’histoire se déroule en 2006, au moment où sont créés des prototypes de caméras voleuses d’âme. "On suit l’histoire par l’entremise d’un couple, dont la fille s’est fait filmer et le gars est à la recherche de sa blonde. Mais elle est dans un état un peu comateux. Sur ce plan, il y a un certain drame, car le gars voit sa blonde ainsi, mais la trame est complètement surréaliste et burlesque." Sophie Cadieux incarne la blonde en question, le copain étant interprété par Charles-Alexandre Quesnel, un jeune comédien qui sort tout juste de l’UQAM et qui a vécu la genèse du Feuilleton.
En effet, si le concept est nouveau sous cette forme, il est déjà passé par le laboratoire de l’improvisation (à la Limonade) que fréquente Salomé Corbo (la metteure en scène du spectacle) et qui a invité Jean-Frédéric Messier de la troupe Momentum à venir assister aux développements. De là est née l’association entre Les Productions à suivre et Momentum. "On expérimente Le Feuilleton depuis déjà quatre ans au sein de la ligue d’improvisation La Limonade. Si j’ai déjà joué dans des pièces lorsque j’étais adolescent, dans des productions indépendantes de Granby où j’ai grandi, ce spectacle est ma première véritable expérience de théâtre."
CAMÉRA TÉMOIN
La pièce fait alterner les moments joués en direct et les scènes préfilmées et projetées sur scène. "Au départ, il n’y avait pas de vidéo. C’est moi qui ai suggéré cette idée. À partir de ce moment-là, je suis devenu le metteur en scène de tout le truc alors que la scénarisation se faisait surtout collectivement, mais je prenais les décisions finales et je structurais l’ensemble. Ce qui m’a fait prendre beaucoup d’expérience sur le plan des transitions entre la vidéo et la scène."
L’ensemble du spectacle pige quelques techniques au petit écran, comme cette idée de "trouver une saveur télévisuelle sur scène en se servant du gros plan" ou celle de miser sur l’effet de suspense avec des scènes accrocheuses. Toutefois, le parallèle avec la télésérie ne s’appuie pas seulement sur l’aspect épisodique ou les projections. "Le rapprochement se trouve surtout du côté de la structure: la manière dont l’histoire est montée, la mise en scène. Étant donné que c’est épisodique, le premier segment présente les personnages de façon très ouverte. C’est assez rapide et dynamique. Comme à la télé, il y a des scènes d’une minute et on passe à autre chose."
Benoît Girard, Réal Bossé (comme dans Diskotëk, il incarne un professeur savant), Sylvie Moreau, Claude Laroche, Guillaume Lemée et plusieurs autres font partie de la distribution. "Beaucoup de développements se font avec l’inspiration des comédiens, même sur le plan de l’écriture. Une grande partie de la création appartient aux acteurs. Il n’y a pas de répétition, on fait un 5 à 7 avant le spectacle et on passe au travers. Le fait d’avoir à livrer une certaine information sans qu’il y ait un texte à proprement parler rend les comédiens un peu fébriles, car il faut assurer." Pour cette raison, il était primordial d’aller chercher des créateurs, des comédiens-improvisateurs et non seulement des improvisateurs ou des comédiens.
"Les improvisateurs ont tendance à s’éparpiller davantage que les comédiens, qui ont l’expérience pour livrer l’information, mais ici, sans texte, ça prenait un mélange des deux, résume Vincent Rouleau. Il y aura tout de même un esprit d’improvisation, ne serait-ce que grâce au public, qui sera sûrement composé d’amateurs du genre."
Tous les lundis jusqu’au 20 juin
Au Lion d’Or
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