John Mighton : Ce qu'il reste de nous
Scène

John Mighton : Ce qu’il reste de nous

John Mighton, dramaturge récipiendaire de plusieurs prix, est également mathématicien et inventeur du programme JUMP, destiné aux jeunes éprouvant des difficultés en mathématiques. Il mène de front tutorat, recherche et écriture.

Dans Half Life, une pièce créée en mars et présentée au FTA ces jours-ci, John Mighton raconte une histoire d’amour comme on en voit peu au théâtre: celle de Clara (Carolyn Hetherington) et Patrick (Les Carlson), pensionnaires d’une clinique de soins prolongés où ils se sont rencontrés. Peut-être, aussi, se sont-ils connus pendant la guerre. Comment le savoir? Clara a des problèmes de mémoire: elle se rappelle difficilement le passé récent, mais semble bien se remémorer le passé lointain. Patrick, travaillant dans les services secrets pendant la guerre, a pris l’habitude de travestir la réalité; sa fille le surnomme "le menteur". Se sont-ils vraiment rencontrés? Clara a-t-elle accordé de l’importance à une idylle sans conséquence pour Patrick? "Ce n’est pas clair, admet l’auteur torontois, parce que ça dépend de la mémoire de ces deux personnages. Mais finalement, ce n’est peut-être pas si important. Leur amour est tout à fait probable: il est réel et concret. C’est comme s’ils recréaient leur passé à travers cet amour."

Les amoureux veulent se marier; le fils de Clara s’y oppose. "Parce qu’elle perd la mémoire, son fils est convaincu que Clara n’est pas tout à fait elle-même. Pourtant, à travers son optimisme, son amour, on voit tout de même briller son âme, ou quelque chose de semblable. C’est un thème important de la pièce: même si la mémoire faiblit, ne reste-t-il pas quelque chose qui subsiste, une sorte d’identité permanente ou profonde?" D’où le titre, faisant allusion à ce qui reste, par exemple, des matériaux radioactifs lorsqu’ils se décomposent. "La pièce pose cette question: qui mène, véritablement, une demi-vie? Le fils de Clara, avec toutes ses peurs, ou sa mère? Bien qu’elle perde la mémoire, c’est peut-être elle qui vit le plus intensément, puisqu’elle vit dans le moment présent."

Production de Necessary Angel Theatre Company, Half Life est mise en scène par Daniel Brooks, avec qui John Mighton avait fait équipe pour Possible Worlds, dont Robert Lepage a fait un film. "Cette collaboration avec Daniel Brooks a réellement changé ma vie et ma carrière. Il est tout simplement génial. C’est en travaillant avec lui que j’ai vraiment découvert les possibilités du théâtre. Sa mise en scène de Half Life est à la fois réaliste et poétique. C’est très rigoureux, finement observé. Il sait comment raconter une histoire, mais il sait aussi comment l’élever à travers des touches poétiques: avec le son, la lumière, le décor ou la mise en scène. Il est capable de créer des mondes hors scène, de créer des choses dans l’imagination du public."

Existe-t-il, pour l’artiste, un lien entre ses deux sphères d’activités, la création et les mathématiques? "Bien sûr, répond John Mighton. Les mathématiques sont un domaine extrêmement créatif, dans lequel il y a une sorte de réverbération, d’intuition poétique. Les plus grands scientifiques et mathématiciens disent toujours qu’ils savent quand leur théorie est juste parce qu’alors, elle est élégante, ou simple, ou belle. Je crois que de plus en plus de gens se tournent vers les sciences ou les maths parce qu’ils comprennent à quel point le monde est profond, beau et complexe, et que ces liens et symétries, ces connexions entre les choses transcendent notre imagination. Pour moi, il n’y a pas une grande différence entre le type de poésie qu’on peut voir dans une pièce et celle qu’on peut voir, parfois, dans les mathématiques; elles s’expriment très différemment, mais l’impression sous-jacente, pour moi, est tout à fait similaire."

Du 2 au 5 juin
Au Théâtre d’Aujourd’hui

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