Mike Ward : Rire jaune
Scène

Mike Ward : Rire jaune

La dentelle, Mike Ward ne connaît pas. Son humour caustique et provocateur pourfend les tabous, irrite les bien-pensants, et lui vaut un succès retentissant. Comicographie.

"Moi, je pense qu’on peut rire de tout, même du pire." Doit-on s’étonner que Mike Ward, passé maître dans l’art de l’humour limite, ne fixe à peu près aucune balise morale à sa démarche? Tout est question de point de vue, d’approche, d’angle. "Dans le cas d’un sous-marinier décédé à bord du Chicoutimi, on ne peut pas rire du gars en question, mais on peut par contre rire de la situation, bien qu’elle soit triste à la base", expose-t-il. Même dans les drames les plus sordides, il existe toujours une part de loufoque et c’est sur ce versant controversé de l’humour que Ward glisse adroitement.

Bestialité, racisme, pédophilie, rien n’est à l’épreuve de cet humoriste qui marche sur le mince fil entre la saine dérision et l’excès de cruauté. "Mais il existe des cas où il est mieux de se taire", relativise-t-il, appuyant sur l’importance du contexte. "Par exemple, à mon avis, il faut se retenir de raconter une blague nécrophile dans un salon funéraire, alors que le cercueil est bien ouvert, même si on sait que cela pourrait être très drôle dans d’autres circonstances…"

Si ses gags sont autant de pieds de nez à l’endroit des bien-pensants, Ward soutient par ailleurs que son humour va au-delà de la pure provocation. Afin de clarifier son point de vue, nous lui avons demandé d’évaluer si certains événements ou situations, en apparence incompatibles avec l’humour, peuvent être risibles.

Le malheur des autres?

"Absolument, et surtout quand on ne connaît pas l’autre personne. Même qu’à mes débuts, j’avais intitulé mon premier spectacle en anglais Your Pain Is My Comedy. La preuve qu’on peut rire du malheur des autres, c’est que si tu vois un inconnu qui se casse la gueule devant toi, ton premier réflexe est souvent de partir à rire…"

Un handicap, si grave soit-il?

"J’irais même plus loin. Je crois sincèrement que le fait de ne jamais faire de jokes sur les handicapés est une forme de non-respect envers eux, c’est comme avouer qu’ils sont trop faibles pour supporter qu’on rigole un peu à leurs dépens. Cela dit, j’ai toujours fait des jokes sur Christopher Reeve parce que je trouvais paradoxal de voir que l’acteur qui avait incarné Superman durant mon enfance devienne presque totalement paralysé après une chute de cheval… Mais je ne mentionne plus cette joke dans mes shows, le sujet me semble être devenu moins drôle, moins à la mode, depuis sa mort."

La mort?

"Je pense qu’on peut rire de la mort, j’ai même gardé mes gags sur Paul Buisson sur mon site Web, malgré les recommandations de certains. Aussi, je me souviens qu’à la mort de ma mère, j’aimais beaucoup entendre les blagues de mes chums, malgré le fait que nous étions au salon funéraire…"

Les religions, l’islam par exemple?

"Bien sûr qu’on peut rire des religions. Mais à ce sujet, je voudrais dire que je n’ai pas trouvé très drôle de voir dernièrement Saddam Hussein en bobettes dans sa cellule. Inutile, pas si drôle à voir pour nous, Occidentaux, mais surtout très irrespectueux pour une partie des musulmans, qui considère qu’être exposé dans une telle tenue est déshonorant."

L’affaire Guy Cloutier, surtout depuis que Nathalie Simard a décidé de parler ouvertement?

"Évidemment qu’il faut en rire! Et pas dans cinq ans ou six mois, mais maintenant, pendant que le sujet est hot. Même que dans mon show, j’ai ajouté, depuis maintenant trois mois, l’idée que Cloutier devrait être puni en s’inspirant du crime qu’il a commis. Ce qui donnerait comme sentence qu’il devrait être abusé sexuellement durant près d’une décennie par un vieillard de 94 ans… (NDLR: Et les gens applaudissent même à tout rompre à ce moment précis.)

Par contre, si je savais que Véronique Cloutier est dans la salle un soir, je m’abstiendrais de faire cette blague en sa présence, par respect."

Les autres humoristes?

"Bien sûr, on peut rire de tout, même si les humoristes se choquent plus rapidement que les autres gens…"

Ton français, parfois décrit comme approximatif?

"À ce sujet, il faut savoir que j’ai été élevé dans les deux langues à Québec, et je ne veux pas changer pour autant ma façon de parler. Aussi, ce que je dis, c’est que ce n’est pas parce que tu parles bien que ton humour est bon. Pour moi, Mario Jean, ou même Daniel Lemire, ce n’est pas intelligent, des jeux de mots faciles sur l’actualité et la politique. En tout cas, moi, je ne trouve pas ça intelligent ni drôle du tout…"

La pornographie?

"On peut surtout rire de ceux qui en consomment… J’ai été membre du site porno du Montréalais Bruno B pendant près d’une année. C’était super parce que je n’avais pas à m’inscrire à un club vidéo en ayant la chienne qu’un petit malin puisse un jour rire aux larmes en voyant par exemple que j’avais loué deux fois Rodéo rectal dans la même semaine…"

Les témoignages de la Commission Gomery?

"Pas le choix, il faut en rire, mais en même temps, y’a pas une journée qui passe sans que je tente de me convaincre de ne plus jamais payer mes impôts, pis crois-moi, j’en paye en sale… Ça m’écœure tellement de savoir que notre argent remplit les poches d’escrocs alors que les soins dans les hôpitaux ne sont pas comme ils le devraient…"

Le Drôle de gala no 3, animé par Mike Ward, réunira Richard Lalancette, Louis-José Houde, Jean-François Mercier, Martin Perrizolo, Mathieu Gratton, Yves Lambert, Julien Tremblay, Guy Bernier, Stéphane Bélanger, Les Chick’n Swell, Marc Boilard, Pierre Prince, Stéphane Poirier, Pierre Aucaigne et Franck.

Le 17 juin
Au Grand Théâtre