Les Égorgeuses de citrons : Chiens de garde
Scène

Les Égorgeuses de citrons : Chiens de garde

Les Égorgeuses de citrons livrent au Fringe un objet incomplet, souvent maladroit, mais dont les qualités rachètent en partie les défauts.

Dans le cadre du Festival Fringe de Montréal, un contexte où se côtoient les propositions scéniques les plus éblouissantes et les plus navrantes, Les Égorgeuses de citrons (huit jeunes femmes âgées de 17 à 22 ans) proposent actuellement, entre les murs du Théâtre d’Aujourd’hui, leur toute première réalisation: Des chiens de roche sur le langue-à-langue. Parrainées par Les Filles électriques (un organisme dont l’artiste D. Kimm assure la direction artistique), les membres de la compagnie signent elles-mêmes la mise en scène de cette création collective, résultat de leurs expérimentations théâtrales et musicales autour d’une pièce du Saguenéen Daniel Danis: Le Langue-à-langue des chiens de roche.

Dans le programme du Festival, le spectacle est tour à tour présenté comme un "collage", une "réappropriation" et un "assemblage de tableaux oniriques". Bien qu’elle ne contredise aucune de ces descriptions, la représentation offre une suite de moments dont l’intérêt s’avère bien inégal. Sur la scène, un espace presque vide, les actrices manipulent vigoureusement une série de chaises. Soucieuse de créer le mystère, la conception d’éclairages préconise l’obscurité et le contre-jour. Dans la pénombre du plateau, ne restent que les voix des comédiennes et l’utilisation ingénieuse de quelques instruments de musique pour guider le spectateur dans une hypothétique action. Malgré de très beaux passages choraux – des scènes de groupe qui constituent les moments les plus efficaces du spectacle -, la représentation manque considérablement de cohésion. Sur l’île imaginée par Daniel Danis, toute une galerie de figures plus grandes que nature crient leur rage, leur détresse et leur immense soif d’amour. Dans sa forme originale, la pièce présente déjà une structure pour le moins sinueuse. Dans le collage livré par ce collectif, l’intrigue s’avère plus morcelée que jamais, quasi impossible à recomposer. Endossant indifféremment les rôles d’hommes et de femmes, les comédiennes ne parviennent pas à imposer leurs personnages. À ce chapitre, la confrontation entre les énergies masculine et féminine, un face-à-face absolument nécessaire à l’écriture dramatique de Danis, manque cruellement. Malgré leur maladresse, les interprètes démontrent une conviction et un engagement qui compensent un peu cette interprétation encore bien juvénile.

La 15e édition du Festival Fringe de Montréal se poursuit jusqu’au 19 juin. Parmi les productions francophones à surveiller, mentionnons Le Balcon, un Genet revu et corrigé par Philip Wickham, celui-là même qui dirigeait l’été dernier Pas ça! Non! Pas ça!, une attendrissante méditation sur la maternité; Un poète, ça sent des pieds!, une "anti-pièce" de Jean-François Huchard (La Leçon, Bella) et Pascal Géhan; La Condition triviale, un chassé-croisé amoureux signé Simon Boulerice; et, finalement, Au détour de juin…, une performance du Système Kangourou.

Jusqu’au 19 juin
Au Théâtre d’Aujourd’hui

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