Les Soirées du Grand Écart : Péché capiteux
Scène

Les Soirées du Grand Écart : Péché capiteux

Les Soirées du Grand Écart sont de retour pour nous faire passer un été passionnément rouge et sensuellement rose. Plumes et paillettes, satin et dentelles, cuir sur peau nue, rien n’est épargné pour émoustiller les sens. Risquez l’érotisme, osez le Grand Écart.

Ce spectacle-cabaret, ouvertement qualifié d’érotique, est spécialement conçu pour raviver les flammes et réveiller les sens. Mais on doit avouer que de nos jours, la notion d’érotisme peut en ratisser large. "Pour moi, l’érotisme, c’est la sensualité, le désir… une musique peut me renvoyer à l’érotisme", confie Sophie Larouche, directrice artistique du Théâtre 100 Masques et comédienne dans Les Soirées du Grand Écart. Ainsi, le jour d’une dentelle, l’ébauche d’une épaule, la ligne de basse d’une chanson, une ombre ondulant derrière un rideau sont autant de repaires d’Éros. "Par opposition, la pornographie est vulgaire. Pas l’érotisme, commente Dany Lefrançois, metteur en scène du Grand Écart. Et je pense qu’il n’y a rien de vulgaire dans le spectacle, même si on touche à des sujets encore tabous… On le fait sans accentuer, sans souligner à gros traits quoi que ce soit; et toujours avec respect. C’est vraiment le respect qui fait toute la différence. Par contre, on ne tourne pas autour du pot, on rentre dedans!"

Monté pour trois soirs, dans trois lieux différents, l’hiver dernier (pour la Saint-Valentin, on s’en souvient), le spectacle était à l’époque destiné à un avenir de tournées, de bar en bar, de petite salle en théâtre forain. Cependant, l’esprit du Grand Écart en a décidé autrement. Les Soirées ont eu un succès tel que le Théâtre 100 Masques a voulu "battre le fer pendant qu’il est chaud", dira le metteur en scène. L’idée est maintenant d’investir un seul lieu, de se l’approprier complètement, de le transfigurer au point qu’il devienne cet endroit sans repère spatial ou temporel, ce bordel habité depuis des années par ces créatures de la nuit. "Le fait de s’établir à un seul endroit pour toutes les représentations a permis de repenser du tout au tout les décors, l’éclairage, et même la scénographie, raconte Dany. On a créé un univers unique. Tout se passe dans ce lieu, il n’y a même pas de loge, pas de cachette possible nulle part. Tout est donné en spectacle." De fait, le spectateur se retrouve plongé dans cet univers, il y est englobé, il en devient un élément à part entière. Des tables de cabaret sont parsemées dans la salle et les comédiens évoluent partout autour. On est loin de la scène à l’italienne et du quatrième mur. "C’est une des particularités des 100 Masques, remarque Sophie. On prend de plus en plus cette tangente qui veut créer un rapport différent entre acteur et spectateur. On veut bousculer les formes." "Il y aura toujours des présences autour des spectateurs, qui seront même appelés à interagir", renchérit Dany. "Mais les comédiens font attention, ils sont attentifs à respecter les limites des gens. Si la personne est mal à l’aise, on le sent tout de suite et on ne pousse pas", rassure Sophie, que vous verrez en tenancière du bordel.

CHAUDE ÉTAIT LA NUIT

Photo: Steven Ferlatte

Nouveau lieu, nouvelle scénographie, nouveaux comédiens également: la moitié de l’équipe a été renouvelée, plusieurs comédiens de la première cuvée étant cet été occupés ailleurs. "Notre nouvelle équipe a vraiment apporté une dynamique complètement différente", note le metteur en scène. "Chaque comédien crée son propre personnage, il le façonne à sa manière et il le garde tout au cours du spectacle", ajoute Sophie. Ce sont des personnages étranges, des êtres nocturnes transformés, presque des créatures. "Il y a quelque chose d’animal", illustre-t-elle. Pour construire leurs personnages, pour mieux comprendre comment ils interagissent entre eux, les comédiens ont eu à imaginer leurs histoires personnelles. "Une telle est amoureuse d’un tel, un tel est jaloux, une telle est autoritaire, mais soumise devant une telle… Une histoire sous-tend chaque personnage et tous ont des liens précis les uns par rapport aux autres, raconte Sophie. Le spectateur le sent." Et puisque le cabaret frôle des zones délicates, effleure des terrains dangereux, des ateliers et des discussions ont été nécessaires afin de découvrir les limites de chacun et de soi-même. "On a parlé de nos fantasmes, de nos limites, de jusqu’où on pouvait aller, confie Dany. C’est important que tout le monde dans la salle se sente à l’aise, comédiens autant que spectateurs. Mais c’est aussi important d’être crédible. On est un cabaret érotique, il faut l’assumer complètement!"

Photo: Steven Ferlatte

Cabaret érotique, peut-être, mais "pas bar de danseuses!" nuance Sophie. "C’est bel et bien du théâtre!" Chaque soir, à travers poésie et chansons, chorégraphies, marionnettes et manipulation d’objets prennent forme tentation, plaisir et fête: le Grand Écart naît et renaît. Si le spectacle est consacré à Éros, Dionysos, dieu de la vigne et père du théâtre, n’est pas loin. "Il y a certainement un côté sacré. On vit une espèce de rite chaque soir avec les spectateurs, on encense l’érotisme", confirme Dany. La venue dans l’équipe d’Alexandre Nadeau aux éclairages et du comédien Georges-Nicolas Tremblay, qu’on connaît mieux pour ses talents de danseur et de chorégraphe, ajoute une esthétique visuelle peaufinée campant de façon particulièrement efficace une ambiance feutrée, rouge, sirupeuse et satinée. Tout est en place pour une soirée langoureuse et veloutée.

Du 6 au 17 juillet
À la Salle Murdoch
(18 ans et plus)
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