Stéphane Rousseau : Trouver son Stéphane intérieur
Stéphane Rousseau était récemment de passage à Québec pour promouvoir son nouveau spectacle. Tout n’est pas qu’apparence dans le monde du beau gosse de l’humour québécois. Bien au contraire.
La carrière de Stéphane Rousseau est une suite de grands succès populaires. Il a été humoriste, imitateur, animateur de radio et de gala, chanteur et comédien. Déjà, deux de ses spectacles ont été certifiés double platine (plus de 200 000 billets vendus!). Plus récemment, il a reçu le Génie du meilleur acteur de soutien pour son rôle de Sébastien dans Les Invasions barbares. Il sera de retour à Québec à la fin du mois avec son quatrième spectacle, dans lequel il monologue, danse, chante et joue tout en s’interrogeant sur la véritable nature du bonheur. Rencontré par Voir lors d’une tournée de promotion, Stéphane Rousseau, en excellente machine de relations publiques qu’il est, fait le point sur ce qui l’anime.
Vous avez fait à peu près tous les métiers de la scène. Lequel vous représente le mieux?
"C’est assurément celui d’humoriste, c’est celui qui m’a apporté tout le reste. L’humour vient de loin chez moi. C’est une affaire de famille. Quand j’étais jeune, ma mère était très malade et l’humour nous a aidés à passer à travers la maladie. Plus tard, je n’assumais pas que les gens m’écoutent sérieusement. Il fallait qu’il y ait une réaction du public. Ça me prenait un rire. Encore aujourd’hui, si je ne fais pas rire, j’ai l’impression que le monde s’ennuie, même si je sais que ce n’est pas toujours le cas."
L’humour a donc une fonction pour vous?
"C’est très thérapeutique, je trouve, que d’avoir de l’autodérision quand ça va mal. On évite de s’apitoyer sur son sort en riant de la situation ou de soi. Il ne faut jamais perdre son sens de l’humour, ça permet de se raccrocher à la vie. Si t’as pas d’humour, t’es fait…Tu tombes en dépression parce que la vie n’est pas facile. En plus, l’humour, c’est bon pour charmer les filles… et pour charmer tout court. Ça fait tomber la pression, c’est plus facile après."
Parlant de charme, on dirait que votre personnalité publique change peu à peu, que votre masque de "séducteur glam" se fend pour laisser paraître une plus grande intériorité.
"Je m’en rends compte. C’est certain que le fait de vieillir y est pour beaucoup. On ne peut plus jouer la même game… De toute façon, je n’ai plus envie de jouer la même game. Je comprends mieux les critiques qui ne me comprenaient pas à l’époque. Je m’aperçois maintenant que de juste mettre de la poudre aux yeux, ça n’éblouit pas tout le monde."
Pensez-vous que ce changement est lié à votre rôle dans Les Invasions barbares?
"Il y a effectivement eu un avant et un après Les Invasions. Ça a été un grand changement, pratiquement une révélation pour moi. Ça m’a ouvert des portes intérieures, des portes dans le milieu et des portes auprès d’un public que je n’avais pas avant. Ça m’a beaucoup fait réfléchir… Et cette réflexion, je pense, me fait jouer et écrire différemment aujourd’hui."
Comment s’est déroulée votre collaboration avec Arcand?
"Il dirige sans diriger, il est tout le temps très smooth. Il a un calme olympien. C’est "Mister Cool"… Il a l’air d’un grand black. Un jour, il m’a dit: "Moi, j’adore les humoristes, mais vous êtes tous un peu paresseux." Quand je regarde le temps et l’énergie qu’il met à écrire un scénario, ça change ma perception des choses. Ce n’est pas pour rien que le film était bon! C’est certain que c’est très inspirant de côtoyer un créateur comme lui."
Vous avez aussi joué dans Les Dangereux. N’est-ce pas un peu paradoxal que d’avoir joué dans un des plus grands films du Québec et dans un des pires flops?
"J’ai beaucoup de respect pour les réalisateurs. C’est difficile de faire un bon film. De faire un grand film, c’est encore plus difficile, évidemment. Il y a plein d’éléments qui sont laissés entre les mains d’autres personnes – producteurs, monteurs, caméramans, etc. Il y a tellement de gens qui passent sur le film et qui peuvent tuer la magie. Un film n’est pas uniquement entre les mains du réalisateur. Ça peut lui échapper à tout moment. Le film Les Dangereux aurait pu être deux fois meilleur. Malheureusement, tu travailles autant pour faire un flop que pour faire un bon film."
Est-ce que vous transposez l’expérience du cinéma à votre nouveau spectacle?
"Comme je le disais, j’ai été très impressionné par le côté "grand travaillant" de Denys Arcand. Je me suis donc assis et j’ai beaucoup écrit pour faire de l’humour intelligent. Au départ, c’était très sombre. Ce n’était pas un show d’humour. Mon but n’est pas de faire rire à tout prix, mais il faut tout de même que les gens rigolent. Alors j’ai commencé à éliminer, à garder seulement le meilleur."
Aviez-vous un thème pour votre spectacle?
"Oui, dès le départ, je me suis mis à écrire sur le bonheur. Tout le monde est en quête de bonheur. En même temps, le bonheur permet aussi de parler du malheur. C’est un bon prétexte pour faire de l’humour. J’utilise la psychanalyse comme élément central de mon show, même si je n’en ai jamais fait une."
Pensez-vous en faire une?
"Pendant l’écriture de mon show, je me suis dit que je pourrais faire une analyse. J’en ai parlé à ma metteure en scène, Josée Fortier. Elle m’a dit que je ne pouvais pas faire ça, des plans que je change de bord, que je ne veuille plus faire d’humour. Elle m’a convaincu d’attendre que mon spectacle soit commencé pour en faire une. De toutes façons, le fait de me produire sur scène est très thérapeutique. Je parle de moi et au lieu de voir un seul psy dans un bureau, j’en vois 1000 dans une salle (rires)."
Vous parliez d’humour intelligent; touchez-vous des thèmes plus sociaux dans ce spectacle? Avez-vous envie, des fois, de taper dans la gueule des politiciens, des abuseurs, des pollueurs?
"J’effleure un peu ces thèmes-là. Je parle de religion, entre autres. J’y vais en douceur dans ce show-là. Mais pour le prochain spectacle, probablement que je vais être beaucoup plus percutant. Pour l’instant, je suis encore dans ma phase "centrée sur moi-même" – comme bien des humoristes. Dans le prochain show, je vais m’ouvrir au monde extérieur; je vais arrêter de vivre dans ma bulle et de me regarder le nombril – parce que je commence à en avoir fait le tour (rires)! Certains critiques disent que c’est un show de transition. Il y a effectivement une transition entre une approche de petit cul et un propos plus adulte dans ce spectacle-là. Il y a deux côtés de moi là-dedans: il y a le monsieur qui a tourné dans Les Invasions et qui questionne son "Arcand intérieur" et il y a celui qui a joué dans Les Dangereux et qui fait pas chier le monde avec ça. Ça reflète bien ce que je suis et ce qu’est mon spectacle: un côté de moi "Dangereux" et un côté de moi "Invasions"."
Pour la suite des choses, on parle encore d’un projet de film, mais cette fois, le vôtre…
"J’ai déjà dit en entrevue que j’ai mon petit Léolo à écrire. C’était sans prétention, je ne pense pas avoir un grand film comme celui de Lauzon. Je pense seulement que j’ai une belle histoire à raconter. C’est une comédie dramatique inspirée de ma vie et de quelques bons moments que j’ai volés à des chums – qui ne le savent pas encore! C’est mon prochain bébé, du moins, je l’espère!"
Du 30 août au 1er septembre à 20 h 30
À la Salle Albert-Rousseau