Les Trois Tristes Tigres : Zone libre
Scène

Les Trois Tristes Tigres : Zone libre

Les Trois Tristes Tigres profitent de la troisième édition du Cabaret Libre International de Montréal (CLIM) pour déclencher une réflexion collective sur la violence et l’irrationnel. Rencontre avec deux des trois félins.

Les Trois Tristes Tigres, ce sont Patrick Drolet, Olivier Kemeid et Stéphanie Capistran-Lalonde, trois dynamiques créateurs issus de l’École nationale de théâtre. Le premier est comédien, le deuxième dramaturge et la troisième conceptrice et assistante à la mise en scène – ce qui ne les empêche pas, à l’occasion, d’échanger les rôles. Au cours de la saison 2003-2004, dans la salle de répétition d’Espace Libre, l’équipe a remporté un vif succès en orchestrant deux éditions du Cabaret Libre International de Montréal, mieux connu sous le nom de CLIM. Commençant sur le coup de 22 h, l’événement propose une douzaine de numéros inédits, exécutés par une vingtaine de participants, des amants du risque à qui tout est permis, ou presque. Qu’ils soient ou non célèbres, plus ou moins chevronnés, les performeurs doivent obéir à deux lois: respecter le thème et les cinq minutes allouées. "Les soirées ont bien marché auprès des participants comme du public, précise Kemeid. C’est important pour nous que ça se passe bien dans les deux camps. Le CLIM est une communion, un échange, une espèce de grande messe. Dans un cabaret, la scène, c’est la salle au complet!"

C’est entre les murs de l’École nationale que le premier CLIM a eu lieu. "Nous avions envie d’un endroit où les étudiants pourraient prendre la parole en tant que créateurs et aussi en tant que citoyens, se remémore Kemeid. Aujourd’hui, l’esprit est encore le même: donner une parole de créateur à des artistes qui doivent souvent s’inscrire dans des cadres très précis. Le CLIM fournit une scène où, tout seul, parfois sans personnage, sans filet ou sans fard, l’artiste peut se positionner dans la Cité." En lisant les textes des premières éditions du CLIM, Jean-Pierre Ronfard et Alexis Martin ont reconnu les idéaux du Nouveau Théâtre Expérimental et n’ont pas hésité à produire l’événement au sein de la compagnie. Voilà une association toute naturelle, surtout quand on considère que les jeunes créateurs ont vécu certaines de leurs plus belles illuminations théâtrales en assistant aux réalisations atypiques du NTE. "Ils ont été fantastiques, lance Kemeid, ce ne sont pas toutes les compagnies qui donnent carte blanche à des petits culs qui sortent à peine de l’École." Entièrement produite par Trois Tristes Tigres, la troisième édition du CLIM est aussi la première à se dérouler dans la salle principale d’Espace Libre. Il faut croire que les petits félins sont en voie de devenir grands.

Au cœur de l’événement se trouve le Cabarettiste Libre International de Théâtre, un maître de cérémonie ordurier que Drolet et Kemeid incarnent tour à tour. "Le CLIT est un personnage que les gens aiment beaucoup, car il déclenche une catharsis fantastique, considère Kemeid. Il est veule, vulgaire et imbu de lui-même. À force de houspiller les participants, il perpétue la déstabilisation, un concept-clé du CLIM. Souvent, les spectateurs l’insultent. On adore ça!" Après avoir abordé l’hérésie, l’utopie et la propriété, les comparses interrogent cette fois la violence et l’irrationnel. "Le thème, c’est la vedette, assure Kemeid. Nous tenons beaucoup à ce qu’il ait une connotation éthique, autrement dit, qu’il recoupe nos préoccupations en ce qui concerne l’Histoire et les comportements humains."

CRÉER EN LABORATOIRE

Malgré son jeune âge, le Cabaret a déjà fait des petits. En effet, Didier Lucien et Stéphane Crête ont élaboré leur époustouflante Nicole à partir d’un numéro présenté dans le cadre du CLIM; le Rabelais du NTE y a poussé ses premiers cris; et Antoine Laprise et Francis Monty – qui vont créer L’Autre Monde en avril prochain – y ont collaboré pour la première fois. "Le CLIM implique une quête du risque, de ce danger qui est le moteur de la création, pense Kemeid. Nous sommes très fiers que des spectacles y soient nés." Pour sa part, Stéphanie Capistran-Lalonde estime que l’événement doit accroître sa vocation de laboratoire: "C’est pour cette raison que nous donnons maintenant trois représentations, pour permettre aux artisans de pousser leur réflexion." Tradition oblige, la liste des invités de cette troisième édition demeurera secrète jusqu’à la toute fin. "Il y aura, comme d’habitude, des praticiens de tout acabit, indique Capistran-Lalonde. Quand nous mélangeons les genres, cela donne de formidables résultats."

Les 18, 19, 20, 25, 26 et 27 août
À Espace Libre
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