Théâtre du Faux Coffre : Messagers clandestins
Scène

Théâtre du Faux Coffre : Messagers clandestins

Le Théâtre du Faux Coffre arrive dans un contexte où l’art est de moins en moins subventionné, où on pourrait même dire qu’il n’est pas encouragé, mais "découragé"; il fallait donc s’attendre à l’émergence d’une culture clandestine, d’une troupe de théâtre de contrebande…

Malgré la menace permanente d’une interruption de la brigade anticulture, j’ai réussi à rencontrer les clowns noirs du Théâtre du Faux Coffre pour une entrevue: Trac, le revendicateur, Diogène, le cultivé, Grossomodo, l’ingénu, et Contre-cœur, le paresseux. À mon arrivée, Contre-cœur dort, étendu par terre; Trac, inquiet, scrute autour pour s’assurer que personne ne nous a suivis. Pendant l’entrevue, Grossomodo, un peu simplet, pose des questions à laquelle Diogène répond du haut de ses connaissances. "Diogène, il est un peu imbu", murmure l’un d’eux. "Qu’est-ce qu’il a bu, Diogène?" répond Grossomodo. Ils se disent clowns noirs; en fait, ils sont plutôt gris, étant donné que leur but est de faire réfléchir, mais surtout de faire rire.

Il ne faut donc pas s’effrayer de voir ces drôles de bouffons se promener dans la rue; le plus grand risque est de recevoir un tract qui est tout à fait inoffensif. Il annonce une pièce, La Farce de maître Pierre Pathelin, qui se tiendra jusqu’au 4 septembre, si tout se passe bien… En effet, si on demande la durée de la pièce aux clowns-comédiens, ils nous répondent que, normalement, elle se joue en 1 h 15. Toutefois, les interruptions de la brigade anticulture sont à craindre. C’est pour cette raison qu’ils nous recommandent ceci: "Ne le dites à personne!"

La pièce a été écrite au XVe siècle. C’est une farce en vers et en rimes qui a été retravaillée par les clowns. Diogène affirme: "Elle a été écrite au Moyen Âge dans une période où ça n’allait pas très bien, un peu comme aujourd’hui…" Leur intention? "Nous désirons que le théâtre devienne accessible à un public plus jeune, dès 13 ou 14 ans. Nous voulons faire du théâtre et avoir une portée sociale, tout en amusant les gens", indique Trac. Même le public adulte y trouvera son compte. De quelle façon s’y prendront-ils? En pratiquant à la fois un théâtre physique et de contenu.

"La culture rapporte trois fois plus que la chasse et la pêche et est trois fois moins subventionnée, en plus des coupures dans les écoles. On ne peut pas accepter que l’école coupe dans l’art. C’est ce qui permet aux jeunes de penser par eux-mêmes. Les jeunes ne sauront plus ce qu’est l’art", explique Trac. C’est un peu la raison qui a fait que, malgré l’absence de subventions, ils ont décidé de partir leur troupe quand même: sans avoir à rendre de comptes à des organismes donateurs, tout en laissant aller leur génie créatif complètement débridé. Un des clowns complète l’idée: "Tous les chemins mènent à Rome; on ne voulait pas aller à Rome, on a pris un autre chemin."

Sortent-ils de nulle part? Absolument pas! Après un bac multidisciplinaire en art, ils ont déjà roulé leur bosse dans les théâtres de la région: la Rubrique, les Cent Masques, les Têtes Heureuses ne sont que quelques regroupements qui les ont vu évoluer. Martin Giguère, Éric Laprise, Patrice Leblanc et Pierre Tremblay sont les initiateurs du projet du Théâtre du Faux Coffre. En plus d’être des comédiens accomplis, chacun a sa spécialité! Pierre Tremblay excelle dans la conception et la construction de décors; Patrice Leblanc, dans la conception sonore; Éric Laprise est maître accessoiriste et Martin Giguère manie la plume avec une grande dextérité. Un cinquième comédien, Pascal Rioux, fait aussi partie de la troupe et est responsable des relations publiques. Ils tiennent d’ailleurs à remercier Martin Lavoie et France Dallaire pour la salle et Hélène Souci pour leur avoir appris à faire leurs costumes.

Peut-être avez-vous croisé ces drôles de clowns? Ils ont avoué s’être immiscés clandestinement dans la parade du Festival des Rythmes du monde. Ou peut-être les avez-vous vus se promener incognito sur la rue Racine? En attendant, vous pourrez les voir au Centre des arts et de la culture de Chicoutimi, à la Salle Murdock. Ils recommandent d’apporter 15 $ pour l’entrée, 10 $ pour les étudiants, et un chèque en blanc pour les plus riches.

Rien ni personne ne pourra les empêcher de faire du théâtre. Alors que je les quittais, Contre-cœur me fit naïvement cette remarque: "S’il n’y a pas de suite, on n’aura qu’à en faire une!"

Info: www.fauxcoffre.ca
Jusqu’au 4 septembre à 20 h, du mercredi au dimanche
Au Centre des arts et de la culture de Chicoutimi
Voir calendrier Théâtre