Cabaret Libre International de Montréal : Libres penseurs
Scène

Cabaret Libre International de Montréal : Libres penseurs

Le Cabaret Libre International de Montréal, une tribune dont la pertinence n’est plus à prouver.

Il y a plus ou moins deux ans, Olivier Kemeid, Stéphanie Capistran-Lalonde et Patrick Drolet se réunissaient sous la bannière des Trois Tristes Tigres – un clin d’œil pas du tout anodin à l’œuvre phare de Guillermo Cabrera Infante, figure de proue de la littérature cubaine, décédé en février dernier. Dans les pages de ce roman baroque, les comparses reconnaissent le ludisme et la dérision qui leur sont chers. Ces jours-ci, les trois félins consacrent toutes leurs énergies à la troisième édition du Cabaret Libre International de Montréal. Aussi atypique que nécessaire, le CLIM est en voie de devenir l’une des tribunes les plus affranchies et les plus convoitées de la Métropole.

Avec un thème aussi vaste et préoccupant que la violence, la soirée ne risquait pas d’être ennuyeuse. Déclencher de franches rigolades tout en faisant réfléchir, questionner le politique aussi impitoyablement que les petits travers du genre humain, voilà qui n’est pas une mince affaire. Cette édition du CLIM – la première à se tenir dans la grande salle d’Espace Libre – relève pourtant le défi haut la main. D’une durée maximale de cinq minutes, les numéros exigent de leurs créateurs (qu’ils agissent en solo ou en groupe) une implication totale, aussi bien dans le propos que dans la manière. Irrévérencieuses, engagées et dérangeantes, les prises de parole font souvent mouche. Avec ses propos chargés d’ironie, des tirades on ne peut plus politiquement incorrectes, le CLIT (Cabaretiste Libre International de Théâtre) fait flèche de tout bois. De l’affaire Cloutier à la famine au Niger, en passant par les déboires du Rideau Vert, les sujets les plus divers méritent ses sarcasmes. Il faut cependant préciser que les références théâtrales sont si pointues que leur drôlerie échappera aux non-initiés. Inspirées par Dante, Desproges et autre penseurs à la langue bien pendue, les déclarations du maître de cérémonie (campé ce soir-là par un Olivier Kemeid très en forme) font à la fois pouffer et grincer des dents.

La représentation s’ouvrit sur un florilège de citations. De la Bible à Jeff Fillion, le collage offrait un survol historique du thème. Parmi les faits saillants de la soirée, mentionnons le postérieur dénudé de Geoffrey Gaquere, roué de coups par l’auteur de ces lignes. Spécifions que ce geste fut commis à la demande du comédien, celui-ci implorant qu’on le corrige. Stéphane Lépine, conseiller dramaturgique et ex-animateur de radio, alarma la foule quant à l’absence d’un magazine littéraire sur les ondes de la télévision de Radio-Canada. Dans un rituel qui en laissa plusieurs perplexes, trois moines loufoques ont sacrifié et rissolé un poisson rouge. Mettant en vedette Patrick Goyette, le court-métrage de Guillaume Lonergan illustrait de manière probante les violences du quotidien. Après s’être adonné à d’intimes confessions, Martin Faucher s’est littéralement couvert le crâne de ketchup et d’œuf. Caroline Binet a livré un bouleversant monologue sur la douloureuse question du viol. Cocasse et corrosive, la scène défendue par Fanny Britt et Jean-François Nadeau n’a laissé personne indifférent. Espérons que ce détonant tandem revive au plus vite sous la plume de Britt. Au terme de la soirée, le CLIT tint des propos fort inspirants qui allaient à peu près comme suit: puisqu’il semble impossible d’éradiquer la violence, détournons-la sur un objet symbolique – ce qui est le propre de l’art. Il y a trop de victimes sacrificielles dans nos rues, ajouta-t-il, et pas assez sur nos scènes!

Notez bien que cette semaine, le CLIM troque le thème de la violence contre celui de l’irrationnel.

Jusqu’au 27 août
À Espace Libre
Voir calendrier Théâtre