Kristian Frédric : Homicide volontaire
Le metteur en scène français Kristian Frédric revient au Québec présenter Big Shoot, de l’auteur africain Koffi Kwahulé.
Peut-on envisager un jeu télévisé où un bourreau tuerait une victime consentante? Voilà pourtant ce qu’a imaginé l’Africain Koffi Kwahulé, un auteur entendu entre autres lors de la lecture du texte Bintou au Festival de Théâtre des Amériques il y a quelques années.
Dans sa pièce Big Shoot, un lien étrange se tisse entre un exécuteur et le nouveau sacrifié. Pourquoi cette fois le bourreau ne peut-il se résoudre à commettre l’irréparable? "C’est la grande question que le public devra se poser, nous répond le metteur en scène Kristian Frédric, à qui nous devons la récente proposition de La Nuit juste avant les forêts de Koltès mettant en scène Denis Lavant. "La pièce Big Shoot offre effectivement plusieurs lectures mais c’est la grandeur des grandes pièces de théâtre. Ce sera comme mes précédents spectacles, j’aime bien que le public se raconte sa propre histoire. Disons que la phrase-clé du spectacle sera ce poème musulman: ne demande jamais ton chemin à quelqu’un qui le sait, car tu ne pourras jamais t’égarer."
Invité à mettre ce texte en lecture par le Théâtre Petit à Petit il y a trois ans, Frédric présente maintenant le spectacle achevé avec les acteurs Sébastien Ricard et Daniel Parent. Un métissage culturel que l’auteur, fasciné par l’américanité, applaudit. "Pour moi, les Québécois et les Français ne sont pas cousins du tout, affirme Frédric. Nous avons deux cultures différentes, soit la culture européenne et la culture américaine. Quand j’ai entendu le texte dans la bouche d’acteurs québécois, ce fut une révélation. C’était vraiment ici que ce texte devait être monté."
Frédric a toutefois effectué une modification dramaturgique de taille. "J’ai souhaité que personne ne puisse traduire certaines répliques. J’ai donc travaillé avec Denis Lavalou sur un synopsis où certaines répliques sont en hébreu." Le choix de la langue de la Genèse n’est certes pas innocent. Le bourreau se rapporte fort souvent au mythe de Caïn et Abel. Une occasion pour le metteur en scène de se frotter au fratricide originel. "On retrouve le fratricide dans plusieurs religions. C’est le premier meurtre. Et en ésotérisme, les premiers sont toujours les derniers. Comme en religion d’ailleurs. Alors ce premier meurtre est peut-être le dernier. Peut-être ces deux hommes sont-ils des survivants? J’ai également découvert cette légende qui veut que nous soyons deux dans le ventre de notre mère. Que s’il n’y en a qu’un qui naît, c’est qu’il a mangé l’autre. C’est terrifiant. Car, oui, nous sommes tous des meurtriers potentiels."
Frédric s’est de nouveau entouré du dessinateur Enki Bilal, mais aussi de collaborateurs québécois dont François St-Aubin et Charles-Antoine Roy pour la scénographie. "J’avais vraiment envie de situer ce spectacle dans un univers qui n’est pas habituel. L’univers sera décalé, hors temps. Je veux que le public se demande où l’on est. On est peut-être sur un bout de territoire. Ou dans un espace intersidéral."
Conscient de révéler les informations au compte-gouttes, Frédric admet que ses choix artistiques privilégieront un spectacle ouvert. "Ce texte soulève plein de questions sur la société spectacle, sur son besoin de violence. J’aurais pu mettre des caméras partout sur la scène pour illustrer le propos mais je ne voulais pas un traitement réaliste. Il y aura déjà des spectateurs devant des acteurs dans une salle. Je crois qu’il fallait alors aller plus loin que ça. Après, on ne peut qu’espérer qu’il y aura un écho."
Du 6 septembre au 1er octobre
À la Salle Fred-Barry
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