Les pièces étrangères : Scènes étrangères
Les pièces étrangères de la rentrée dévoilent des paysages diversifiés. Dominée par les auteurs vivants, la sélection de nos créateurs expose à des voix résolument nouvelles.
L’HEXAGONE
Pourquoi ne pas entreprendre cette traversée par le pays le mieux représenté, c’est-à-dire la France? En novembre, à la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, Daniel Paquette et le Théâtre ZYX proposent une lecture burlesque du testament théâtral de Molière, Le Malade imaginaire. Préoccupés par les grands enjeux féminins actuels, les membres du collectif Marianne et fils ont fait appel à Jacques Rossi pour revisiter Les Bonnes de Jean Genet. Dès la fin septembre, Anne-Sophie Armand, Marika Lhoumeau et Katrina Corbeil fouleront les planches du Théâtre La Chapelle. En octobre, l’Espace GO reçoit Fairy Queen, une œuvre inclassable d’Olivier Cadiot, portée à la scène par son talentueux complice, Ludovic Lagarde. Chez Duceppe, en décembre, Monique Duceppe orchestre Petit-déjeuner compris, une pièce de Christine Reverho dans laquelle 22 personnages se retrouvent dans de beaux draps. En septembre, à La Petite Licorne, Jean-Marie Papapietro dirige Denis Gravereaux dans Quelques conseils utiles aux élèves huissiers, un monologue cynique de la romancière et psychiatre Lydie Salvayre. À compter de la semaine prochaine, le Bayonnais Kristian Frédric propose Big Shoot, un texte du Français d’origine ivoirienne Koffi Kwahulé. Mettant en vedette des acteurs québécois (Daniel Parent et Sébastien Ricard), le spectacle est présenté à la Salle Fred-Barry.
LA GRANDE-BRETAGNE
Au programme de l’automne, on dénombre trois textes britanniques. Tout d’abord, Lewis Furey s’approprie l’une des pièces les moins connues du répertoire shakespearien. Dès octobre, entre les murs du Théâtre du Nouveau Monde, la tragédie romaine Antoine et Cléopâtre devient un théâtre musical aux accents d’opéra moderne. Mettant en vedette Sylvie Moreau et Jean Maheux, cette production de haute envergure sera également présentée à Paris, puis en tournée en France et en Belgique, de janvier à avril 2006. Du 4 au 12 novembre, dans l’enceinte de l’Usine C, la grande Isabelle Huppert viendra défendre l’ultime pièce de Sarah Kane, 4.48 Psychose. Signé Claude Régy, prestigieux directeur des Ateliers Contemporains, ce quasi-monologue fait l’événement depuis sa création française en 2002. En novembre, à l’Espace GO, le Théâtre PàP reprend Le Traitement, un des moments forts du dernier Festival de Théâtre des Amériques. Rondement menée par Claude Poissant, la partition de Martin Crimp offre une critique acerbe de notre société du spectacle.
AILLEURS EN EUROPE
En novembre, Lorraine Pintal s’attaque à l’une des perles de la tragédie grecque, Antigone de Sophocle. En réalité, la directrice du TNM poursuit une réflexion enclenchée l’an dernier au Abbey Theatre de Dublin, où elle agissait à titre de metteure en scène invitée. La romancière Marie-Claire Blais signe le texte français, d’après la traduction du poète irlandais Seamus Heaney, récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1995. La Manufacture, qui célèbre cette année son 30e anniversaire, reprend en septembre, pour la troisième fois sur le plateau de La Licorne, le percutant Howie le Rookie, une pièce de l’Irlandais Mark O’Rowe dirigée par Fernand Rainville. Denise Filiatrault, nouvelle directrice artistique du Théâtre du Rideau Vert, ouvre elle-même la saison en supervisant le travail d’Andrée Lachapelle et Jacques Godin dans La Visite de la vieille dame, une tragicomédie de Friedrich Dürrenmatt, un écrivain alémanique mort en 1990.
Heureusement, certaines compagnies osent poser leur regard un peu plus à l’Est. C’est le cas notamment du Groupe de la Veillée qui, entre les murs du Prospero, prolonge cet automne son cycle Territoires balkaniques. En octobre, le Belgradois Dragan Milinkovic porte à la scène Amerika, suite, un texte de Biljana Srbljanovic à propos de l’ère post-11 septembre. L’an dernier, Theodor Cristian Popescu faisait découvrir aux Montréalais l’écriture impitoyable de la dramaturge serbe en montant Histoires de famille. En novembre, Téo Spychalski propose à nouveau sa lecture du Professionnel, du Yougoslave Dusan Kovacevic, une production qui ouvrait il y a quelques mois ce cycle consacré aux artistes balkaniques. En septembre, à l’Espace Geordie, Daniel Paquette et le Théâtre 100 façons osent soumettre leur vision des Trois Sœurs, l’un des chefs-d’œuvre de l’écrivain russe Anton Tchekhov. Avouons qu’après les récentes moutures de Luce Pelletier, Denis Bernard et Wajdi Mouawad, le geste est pour le moins aventureux.
L’AMÉRIQUE
Dans la géographie théâtrale de cet automne, les Amériques sont bien représentées. En septembre, dans l’imposant Théâtre Denise-Pelletier, Claude Poissant et le Théâtre PàP remettent Unity, mil neuf cent dix-huit sur les rails. Rappelons que la pièce du Vancouvérois Kevin Kerr avait été créée en 2003 dans une traduction de Paul Lefebvre. En octobre, Omnibus reprend L’Intimité, une œuvre de l’Acadienne Emma Haché, déjà bardée de prix. Cette fois, Francine Alepin a fait appel au savoir-faire de Louison Danis, Pierre Collin et Jean Asselin. Les 6, 7 et 8 octobre, à La Licorne, le Théâtre de l’Escaouette, une compagnie établie à Moncton depuis 1978, présente Le Christ est apparu au Gun Club, un texte de l’Acadien Herménégilde Chiasson mis en scène par Andréi Zaharia. À compter du 18 octobre, à la Salle Fred-Barry, Bernard Lavoie dirige Jean Boilard dans R. Buckminster Fuller: mémoires (et mystères) de l’univers. Produite par le Théâtre Alambic, la pièce de l’États-Unien D. W. Jacobs relate le destin de celui qui conçut la fameuse Biosphère, symbole d’Expo 67. Créée cet été au Théâtre les gens d’en bas, Une ardente patience prend l’affiche du Quat’Sous dès le 10 octobre. Éric Jean assure la mise en scène et Olivier Kemeid signe l’adaptation du roman de l’écrivain chilien Antonio Skarmeta, celui-là même qui inspira au réalisateur Michael Radford le long-métrage à succès Le Facteur (Il Postino). Bonne saison!