Philippe Soldevila : Toxique affaire
Scène

Philippe Soldevila : Toxique affaire

Philippe Soldevila dirige des artistes d’origines et de disciplines variées dans Bhopal, une pièce explorant le comment d’une tragédie industrielle indienne. Rencontre et mémoire.

En 1984, une fuite de 40 tonnes de gaz toxiques émanant d’une usine de pesticides tuait plusieurs milliers de personnes à Bhopal, en Inde. Hécatombe qui, toutefois, ne commençait ni ne s’arrêtait là… Parmi les victimes, c’est un bébé dont on voyait le cœur battre à travers la peau qui a poussé Rahul Varma à écrire cette pièce, en partant d’une question: qu’aurait-il dit s’il avait pu parler? "J’ai ajouté un prologue où on dédie les représentations aux gens qui sont morts", explique Philippe Soldevila, si bien que le spectacle s’amorce, à son sens, dans un esprit de fraternité et de prise de conscience. "Ensuite, on tombe dans une analyse, une mise en scène des enjeux, des personnages, de la situation, sur le mode du thriller économique et social", poursuit-il. Car ce sont surtout les mécanismes de la catastrophe qu’ils ont voulu mettre en lumière, comme un moyen de prévention pour l’avenir. Puis, à mesure que le drame se joue, "les choses s’incarnent, on est touché et en même temps révolté par ce qui est en train d’arriver", commente-t-il, avant de préciser: "Ce n’est pas vraiment un acte de dénonciation, mais plutôt de rencontre et de commémoration. D’ailleurs, le plus gros défi était de trouver de quelle manière raconter cette histoire sans tomber dans le pathos, le poing en l’air, d’essayer de voir plus loin dans les enjeux la résonance que ça pouvait avoir."

De même, le metteur en scène remarque: "Plus ça va, plus je me retrouve à faire un théâtre au service d’une parole ou d’une réalité, pour donner une voix à des gens qui n’en ont pas. Mais cet engagement n’est pas uniquement politique, c’est en même temps une célébration de la diversité, des différences et, surtout, une ouverture de frontières." Ainsi, cette collaboration avec le Théâtre Teesri Duniya lui permet d’embrasser non seulement une cause, mais aussi une autre culture. Et si le fait de travailler avec une équipe composée d’artistes d’origines et d’horizons divers comporte certaines difficultés, il n’en apprécie pas moins l’expérience. "C’est cette diversité qui est magnifique à voir. On est vraiment transporté ailleurs, commente-t-il. C’est important, pour moi, qu’à l’intérieur de l’atmosphère, de la musique, de la danse, des personnages, des accents, des couleurs, on touche en quelque sorte l’âme indienne." Plus concrètement, la pièce se présente "comme une prise de parole d’individus qui viennent raconter une histoire ou présenter un texte. Donc, il y a un côté assez distancié, observe-t-il. Mais on a créé du mouvement, des chants, des voix autour de ça." Ainsi, lorsque les acteurs ne jouent pas leur rôle, ils participent à un chœur, sous la direction d’une danseuse-chanteuse coryphée et accompagné de deux musiciens. "Ça a été très difficile pour les comédiens parce qu’on sent bien qu’une des forces de l’écriture de Rahul, c’est d’incarner une pensée, c’est-à-dire que les personnages sont là pour servir une pensée, note-t-il. L’idée, c’était donc de réussir à donner la chair, le sang et le pouls de ça, de rendre cette réalité concrète, en offrant au public le battement de cœur des victimes, en l’amenant à Bhopal." Prêts pour le départ?

Jusqu’au 24 septembre
Au Théâtre Périscope
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