Bienvenue à (une ville dont vous êtes letouriste) : Légende urbaine
Scène

Bienvenue à (une ville dont vous êtes letouriste) : Légende urbaine

Bienvenue à (une ville dont vous êtes le touriste) nous convie à une marche qui nous transforme en "spect-acteur". Rencontre avec l’auteur, concepteur et metteur en oreille, Olivier Choinière.

La compagnie ARGGL!, spécialisée dans le récréotourisme initiatique, explore de nouveau le théâtre interactif ou proactif avec Bienvenue à (une ville dont vous êtes le touriste), sa deuxième ballade urbaine audio-guidée depuis Beauté intérieure (2003). Le principe est simple: on enfile des écouteurs et on suit l’histoire ainsi que les indications. Mais dès qu’on quitte le Théâtre de la Licorne, point de départ de la visite, qu’on se met à marcher avenue Papineau, alors là, une bulle se crée, on entre dans l’univers et on devient disponible à l’expérience, et ça, ça complexifie les choses et amplifie le plaisir du "spect-acteur", qui s’abandonne dans l’étrangeté d’un parcours initiatique. "Le spectateur incarne un personnage qui est un touriste, un visiteur, un étranger qui fait la visite de cette ville qui n’est pas Montréal et qui le mènera dans ses souvenirs, dans son passé et dans son enfance, où il finira par reconnaître cette ville-là comme étant le lieu de son enfance, le lieu rêvé de son enfance, donc le lieu qui contient tous les lieux, le lieu de toutes les possibilités", nous dit Olivier Choinière. L’histoire, qui s’immisce en un fil ténu entre les cinq rêves qui défilent en nos oreilles, allie philosophie et poésie, observation et introspection, projection et identification. De plus, elle joue énormément sur l’ambiguïté et l’interprétation. "C’est une pièce qui plaque un univers sur la réalité qu’on connaît et qui, à la fois, va utiliser la matière première de cette réalité-là; cette confrontation crée nécessairement l’ambiguïté."

SEULS ENSEMBLE

Marcher seul, avec tout juste quelques indications qui nous arrivent par un enregistrement, donne libre cours à toutes sortes d’inquiétudes, notamment en ce qui concerne l’espace et le temps: suis-je allé trop vite? ai-je manqué une indication? On se retrouve vraiment seul avec ses écouteurs, ce qui peut en troubler plus d’un. "Il y a aussi ambiguïté sur la question du temps. Lorsqu’on fait une visite audio-guidée, on s’attend évidemment à une synchronicité. Or, s’il y a synchronicité, elle est parfois désynchronisée! On crée un autre type de synchronicité qui se passe entre des temps différents, et non dans le présent." C’est que ARGGL! joue avec les rêves. Il y a les rêves mis en scène par le texte, mais aussi ceux qui remontent en nous. Impossible de marcher dans une rue donnée avec une histoire qui défile dans nos oreilles sans décrocher de cette histoire à l’occasion (il ne faudrait quand même pas se faire frapper par une automobile), et sans décrocher quelques-uns de nos rêves.

La bulle que crée la situation nous pousse dans nos pensées. Il suffit d’une odeur dans le parc, d’un escalier semblable à celui de son enfance, d’un parcours qui semble familier à certains égards pour qu’on se retranche dans un monde onirique défiant l’espace-temps réel et l’espace-temps traditionnel du théâtre. Trop d’éléments extérieurs entrent en ligne de compte pour que cette expérience artistique soit vécue de la même manière qu’une pièce dans un théâtre. "Il est aussi question de la difficulté de s’inscrire dans le présent et de la nécessité d’aller dans le passé, le rêve, le souvenir, le fantasme, d’aller au fond du mal et de le traverser pour mieux saisir, comprendre. Et pouvoir ensuite s’inscrire mieux dans le présent. On traîne tout un passé en soi dont on ne saisit pas tous les enjeux; les mieux comprendre, c’est s’appartenir, donc arriver à un moment où on peut vivre dans le présent, donc faire des choix, donc, arriver à la liberté." Marcherez-vous vers le passé? Moi, j’ai marché.

Jusqu’au 15 octobre
Départ du Théâtre La Licorne
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