Marcel Pomerlo : Feu intérieur
Scène

Marcel Pomerlo : Feu intérieur

Après L’Inoublié, Marcel Pomerlo renoue avec la performance solo grâce à une Carte blanche du Quat’Sous. L’acteur y mettra en scène Et j’ai entendu les vieux dragons battre sous ma peau, un texte du jeune poète Dany Boudreault.

Dany Boudreault n’a que 22 ans. Un jour, avec la fougue de son âge, il envoie à Marcel Pomerlo un texte poétique qu’il désire partager avec lui. Une bouteille à la mer, heureusement découverte et bientôt magnifiée sur les planches du Quat’Sous.

L’entreprise est pourtant périlleuse, le théâtre étant déjà un art métaphorique. "C’est effectivement un défi", admet en connaissance de cause Marcel Pomerlo. L’acteur fut en effet directeur artistique du Festival de Trois, tout en participant maintes fois au Marché de la poésie et au Festival international de littérature. "Parfois, on lit des textes poétiques que l’on trouve très beaux, en sachant que ce sont des textes dont la force réside dans une certaine intimité. Mais dès la première lecture de ce texte-ci, j’y ai vu une grande théâtralité. Ici, la pulsation évoquait un personnage très habité. Ce souffle, c’est celui qu’on retrouve au théâtre. Dany Boudreault sait également passer de quelque chose de tragique à quelque chose de plus léger, voire d’épique. Il casse constamment sa partition. Ce qui me permet de créer des tableaux où l’on passe de la douceur à la violence."

Si la poésie de L’Inoublié demeurait au service d’un récit, celle de Dany Boudreault semble proposer plusieurs chemins. "Dany, qui a séjourné en Inde et en Afrique, nourrit également une fascination pour le peuple juif. Cette attirance de l’ailleurs, de l’autre, se retrouve fortement ancrée dans sa poésie. Ce n’est pas une poésie narrative, mais elle est écrite au "je". J’y vois donc un personnage voulant entraîner le public dans ses voyages."

Cette fois, Pomerlo égrènera les mots comme autant de petites images. Beaucoup plus épuré que L’Inoublié, le travail demeure pictural, le strict minimum ayant été choisi avec minutie. "J’utilise quelques accessoires, un micro, des bandes-son, de la lumière. J’hésite à parler de chorégraphie, mais il y a un travail physique très précis qui a été fait. Il y a aussi des moments de musique, d’autres de silence. Il faut qu’il y ait de l’espace en dehors du texte poétique. Ne serait-ce que pour que le spectateur ait le temps de voir les images évoquées. Et j’utilise l’espace naturel du Quat’Sous. Il y a des fenêtres sur la scène, vous savez… C’est la dernière saison de ce théâtre avant qu’il ne soit rénové et transformé. Alors, c’est un réel privilège d’être dans l’âme de cette synagogue et d’y faire résonner un texte qui lui fasse vraiment écho."

Après s’être laissé submergé par des mots qui lui sont propres le temps d’un solo, Pomerlo renoue tendrement ici avec l’altérité. "Dany parle du fjord en lui, du regard nucléaire… Il était clair pour moi que ce garçon n’avait pas grandi au coin de Panet et Ontario, mentionne en riant l’acteur. Mais je comprends ce texte au-delà d’une compréhension psychologique ou logique. Il y a donc une résonance évidente entre son écriture et moi. Si on vient voir ce spectacle comme on va voir de la danse ou des tableaux de Riopelle, non dans l’esprit de tout comprendre mais dans l’esprit d’entrer dans l’univers de quelqu’un et de se laisser toucher par lui, je pense que ça peut être quelque chose de très fort."

Les 15 et 16 septembre
Au Théâtre de Quat’Sous