Scène

Marie-Ève Gagnon : Femmes de théâtre

Marie-Ève Gagnon collabore à l’écriture et signe la mise en scène de Parlons chasse et pêche, la première création du Théâtre Sans Borne.

Fondé et dirigé par Caroline Gendron, le Théâtre Sans Borne a pour mandat de "donner la parole aux artistes de la relève qui brûlent de prendre position sur les questions qui les préoccupent". Ces jours-ci, la comédienne et ses complices (Amélie Chérubin-Soulières, Mélanie Desjardins-Chevaudier, Valérie Dumas, Geneviève Maynard et Mélanie Auberson) s’apprêtent à donner le coup d’envoi à la compagnie. Avec Parlons chasse et pêche, un spectacle qu’elles ont écrit et qu’elles vont maintenant interpréter, danser et chanter, les jeunes créatrices comptent dresser rien de moins qu’un portrait de la femme québécoise de la nouvelle génération.

Toutes diplômées en interprétation de l’École nationale de théâtre, elles ont fait la rencontre de la dramaturge Marie-Ève Gagnon entre ces quatre murs. "En mars dernier, elles m’ont demandé de leur donner un atelier d’écriture, explique Gagnon. Je les ai amenées dans l’écriture de toutes sortes de manières possibles. Finalement, je me suis rendu compte que chaque auteur, débutant ou chevronné, porte quelque chose qui s’exprime, peu importe les contraintes ou la commande. Ainsi, chacune a exploré ce qui lui était fondamental, en ce moment, aujourd’hui, peu importe les indications que je donnais. Ce sont donc des paroles différentes, des positions souvent opposées qui finissent en quelque sorte par se recouper. Il y a des textes magnifiques, des chansons et des écritures très différentes, certaines plus naïves et d’autres plus sophistiquées. J’ai eu beaucoup de travail de patchwork, de puzzle et de collage à faire pour donner une cohérence et un sens à tout cela."

Il faut bien admettre qu’écrire pour la première fois, défendre sa parole et accepter qu’elle soit intégrée à celle des autres, c’est assez ambitieux pour un premier projet. "Les filles désiraient se questionner, elles voulaient savoir qui elles étaient par rapport à ce qui était venu avant elles et comment elles rêvaient l’avenir, précise Gagnon. Il y a donc un positionnement par rapport au féminisme, mais on parle aussi de politique, d’immigration, de l’enfance, de l’amour et des hommes. Le spectacle parle de tout au fond, mais avec un humour essentiel, une capacité d’autodérision, toujours dans l’idée d’offrir un spectacle divertissant et festif. Je ne voulais pas qu’il y ait une parcelle de didactisme. Le résultat est assez amusant et décapant."

TRANSMISSION

Même si elle n’est pas de la même génération, Marie-Ève Gagnon s’identifie assez bien à la démarche des comédiennes dont elle supervise le travail. "On s’entend sur la nécessité de bien des choses, lance la metteure en scène. Je suis un peu un guide pour elles, mais, en même temps, elles m’apprennent beaucoup." Quel regard pose l’auteure et metteure en scène de 46 ans sur cette nouvelle génération, celle que l’on considère comme la troisième vague de féministes? "C’est une génération qui a une relation ambiguë au féminisme, souligne-t-elle, tout simplement parce que ces femmes ont vu leur mère faire trop de choses à la fois et que la présence de celle-ci leur a manqué. Certaines associent féminisme et radicalité. Elles ne veulent pas être uniquement avec des femmes. Elles ont parfois une perception erronée du féminisme, mais il faut comprendre qu’elles ne peuvent le vivre comme les femmes de ma génération, car elles n’évoluent pas dans le même contexte. La chose la plus importante, c’est leur désir d’être unies, malgré leurs différences. Le cynisme pèse lourd sur cette génération. Elles ont besoin de créer de nouvelles utopies, de retrouver le plaisir d’être ensemble, sans trouver ça quétaine."

Du 13 au 30 septembre
Au Bain Mathieu
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