Stéphane Bellavance : Des hommes d'honneur
Scène

Stéphane Bellavance : Des hommes d’honneur

Stéphane Bellavance jouera sous peu dans Le Pont, un étrange huis clos de l’auteur canadien Trevor Ferguson, mis en scène par Guy Sprung au Théâtre Jean-Duceppe.

Cinq hommes habitent le même wagon-lit. Un Polonais, un Portugais, un Italien, un Italo-Canadien et un Hollandais. Tous travaillent dans le nord de la Colombie-Britannique à la construction d’un pont pour le chemin de fer. Loin de leur foyer, tous nourriront le rêve d’avoir contribué à la beauté. "C’est intéressant parce que l’action principale de la pièce réside dans la façon dont les personnages se racontent", indique le comédien Stéphane Bellavance, que l’on retrouve dans la distribution aux côtés de Normand d’Amour, Igor Ovadis, Sébastien Delorme et Dino Tavarone. "Le public regardera évoluer les cinq personnages dans le wagon avant et après leur journée de travail. Il n’y a donc pas vraiment d’histoire, ou plutôt, on suit l’histoire de chacun des personnages en découvrant leur rapport aux autres."

Il y a, par exemple, ce Portugais qui travaille là depuis 17 ans et qui envoie 80 % de sa paie au Portugal à une famille qui lui ment. Et il y a Dino, l’Italien fier d’être né au Canada et interprété par Bellavance. "C’est très important pour Dino d’être Italo-Canadien car dans le wagon, il y a des immigrants illégaux. Il se permet donc d’être condescendant. Une condescendance cocasse parce que Dino n’est pas très intelligent. Il n’est que l’homme à tout faire engagé pour entretenir le wagon. Il s’arrange pour que les planchers soient propres, que le wagon soit chaud et va parfois jusqu’à éplucher quelques patates."

Outre le choc culturel qu’on imagine dans ce petit wagon sis au bout du monde, il y a aussi la hiérarchie qui génère des tensions importantes. Une hiérarchie qui se verra pourtant fragilisée lorsque l’un des patrons cédera son poste. "C’est le Portugais qui occupe le poste le plus important puisqu’il est le menuisier. Mais il ne pourra accepter la promotion, ayant peur de dévoiler son statut d’immigrant illégal. Viennent ensuite les deux pontonniers, qui se disputeront évidemment la place de choix. Enfin, le manœuvre ne fait que suivre les règles des pontonniers afin d’en devenir un à son tour. En dernier, on retrouve l’homme à tout faire."

Fait amusant, la multiplicité des origines, des générations et des expériences semble trouver un écho au sein de l’équipe de créateurs. "On retrouve effectivement ces rapports en salle de répétition, affirme Bellavance, enthousiaste. Guy Sprung est Canadien anglais, Igor Ovadis vient de la Russie avec toute l’école de théâtre russe, l’Italien Dino Tavarone aborde ce métier avec l’émerveillement d’un enfant cueillant des pommes… Sur le plan des expériences, Normand D’Amour en est à sa 50e pièce, alors que je n’ai pas une longue feuille de route en théâtre. Et puis, nous sommes de plusieurs générations. Il est évident que ça fait de belles discutions…"

Pour mettre en scène ce huis clos, Guy Sprung semble miser sur l’hyperréalisme. "Quand on arrive sur scène, on dirait qu’il y a un train qui va passer là, rapporte Bellavance. Il y a un vrai rail et un wagon grandeur nature prêtés par le CN. Il va aussi pleuvoir sur scène. C’est impressionnant et magnifique. Ce sera donc également un jeu réaliste. Il y a eu tout un travail en ce qui concerne les accents. Et puis, nous sommes constamment en action. Il faut faire chauffer de l’eau, se laver le visage, se brosser les dents, jeter l’eau dehors… Il n’y a jamais de scènes où on ne fait que se parler tranquillement. C’est presque un ballet."

Un réalisme qui permettra peut-être de mettre en lumière l’abstraction qui le sous-tend. "La construction du pont est d’une symbolique importante, poursuit Bellavance. Ces ouvriers sont fiers de construire ce qui permettra à l’économie de prendre de l’expansion, même s’il s’agit d’un petit pont qui passe au-dessus d’une petite rivière. La pièce parle aussi de la terreur de la beauté, et de la beauté de la terreur. De ces moments terribles que l’on vit, mais qui portent paradoxalement une grande splendeur. Le thème de cette pièce demeure donc poétique, en ce sens où tous les spectateurs pourront se l’approprier, comme un cahier à colorier sur lequel on projette ses couleurs personnelles. On a beau être dans un réalisme très poussé, on a beau allumer des vraies lampes à l’huile et construire un pont, le sujet qui s’en dégage est universel."

Jusqu’au 15 octobre
Au Théâtre Jean-Duceppe
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