Bhopal : Leçon particulière
Scène

Bhopal : Leçon particulière

Bhopal, mis en scène par Philippe Soldevila, n’est pas qu’un texte engagé, c’est aussi un spectacle parlant par ses chants, sa musique, sa danse et son jeu chorégraphié. Double  discours.

En 1984, dans le bidonville de Bhopal, en Inde, une médecin canadienne (Marie-France Tanguay) se bat pour prouver que les déchets répandus par l’usine de pesticides bâtie tout près sont en train d’empoisonner la population. Ce que conteste évidemment le directeur local de la compagnie (Richard Lemire) et dont le ministre (Prasun Lala) ne veut surtout pas entendre parler, leur priorité étant de vaincre la pauvreté. Même les victimes comme Izzat (Shalini Lal), mère d’une petite fille mourante, se laissent endormir par les beaux discours et les compensations financières. Jusqu’au jour où, à force de rationalisation et de corruption, une importante fuite de gaz toxiques blesse et tue des centaines de milliers de personnes…

Présentée pour la première fois en français (traduction de Paul Lefebvre), dans une coproduction du Théâtre Sortie de secours et du Théâtre Teesri Duniya ("tiers-monde" en hindustani), Bhopal, récit d’une catastrophe oubliée, de Rahul Varma, s’avère une pièce engagée, qui cherche à faire réfléchir. Et, comme c’est souvent le cas dans ce genre de texte, les protagonistes, dont le rôle est de porter un discours, y prennent la forme d’archétypes, avec le côté artificiel ou didactique que cela suppose. Quoi qu’il en soit, force est d’admettre que les comédiens (également Pierre Gauvreau, France Larochelle et Tova Roy) les défendent avec conviction. Sans compter que le propos a le mérite de donner dans la nuance plutôt que la démonisation, en défendant conséquemment chacun des points de vue, non pour effacer les responsabilités, mais bien pour mettre en relief les mécanismes d’une catastrophe aux causes multiples et complexes. D’ailleurs, dans la perspective d’un théâtre de dénonciation et d’analyse, le choix d’un jeu parfois distancié, où les personnages se parlent en s’adressant au public plutôt que l’un à l’autre, semble tout à fait justifié et efficace. De même, l’idée de créer un chœur permet l’introduction d’intéressants effets dramatiques. Tout comme, d’ailleurs, la présence de la chanteuse et danseuse Aparna Sindhoor, ainsi que des deux musiciens Amie Amiri et Patrick Graham, dont les performances séduisent particulièrement. Si bien que le spectacle et l’émotion se mettent ici au service d’un sujet grave, tout en l’empêchant de devenir trop lourd. Au gré d’accents tragiques, brechtiens et indiens.

Jusqu’au 24 septembre
Au Théâtre Périscope
Voir calendrier Théâtre