Le Testament du couturier : Le Legs d'une pièce
Scène

Le Testament du couturier : Le Legs d’une pièce

Le Testament du couturier tisse sa trame dans un futur où le monde sans passé, aseptisé et plus-que-parfait de la Banlieue jouxte la Cité, lieu où échouent pour s’y perdre tous les travers de l’humanité. Dans un décor épuré, Annick Léger prête vie aux cinq personnages de la pièce.

Certes, il fallait être visionnaire. Le Théâtre La Catapulte, petite et relativement récente compagnie franco-ontarienne, a voulu relever ce défi. À la direction artistique du théâtre, Joël Beddows, signant ici la mise en scène, a cru au texte de Michel Ouellette et a finalement persuadé Annick Léger d’y croire aussi. "Je n’ai pas été facile à convaincre, raconte celle-ci. Je trouvais le texte très fort, mais malgré la beauté du texte et l’engouement de Joël, j’ai failli refuser, par peur probablement." Pour le metteur en scène, l’affaire était sans compromis, il monterait Le Testament du couturier avec Annick Léger ou il abandonnerait le projet. "Nous avons une longue complicité, Joël et moi, et c’est lui le premier qui m’a vue dans ces rôles, c’est lui qui a décidé que ce serait moi qui devait jouer cette pièce." Il faut dire qu’au départ, les cinq rôles devaient être interprétés par un homme. Et, sur le lot, ce sont bien les trois personnages masculins qui ont donné le plus de fil à retordre à la comédienne.

Photo: François Dufresne

"Pour rendre ces personnages crédibles, j’ai utilisé des techniques vocales, je suis allée dans les registres extrêmes, j’ai visé les caisses de résonnance du corps, explique-t-elle. C’est aussi une question de posture – du bassin, en particulier. Quand on s’applique, on peut s’étonner soi-même de ce qu’on est capable de faire!"

Se métamorphosant sur scène, sous les yeux des spectateurs, sans changement de costume, Annick Léger doit en outre faire parler les silences. Telle une dentelle ajourée, le texte, l’auteur l’a ainsi voulu, ne fait entendre que "le positif" des dialogues, les réponses des interlocuteurs demeurant à jamais silencieuses. "J’ai toujours été fascinée par les silences au théâtre, confie la dame. Ils angoissent le comédien, et c’est encore pire quand on est seule. On doit écouter le public autant qu’il nous écoute. Ça demande une foi et une générosité très actives, mais les silences sont souvent plus éloquents que n’importe quelle réplique, n’importe quel déplacement. Joël a su construire à partir des silences une nouvelle façon de transmettre un langage… Vous savez, je n’ai jamais lu la partie négative du texte, continue la comédienne, c’est peut-être un défi supplémentaire. Mais ce qui m’importe, c’est la version que je maintiens dans ma tête, celle qui doit exister pour le spectateur qui devient, finalement, mon interlocuteur."

Habillée d’effets d’éclairage étoffés et d’un environnement sonore touffu, Annick Léger déploie lentement la trame du drame de Mouton, un pauvre tailleur tentant de terminer une robe du XVIIe siècle qui vient d’aboutir, mystérieuse, magnifique, inachevée, entre ses mains. Récipiendaire de nombreux prix, la pièce promet une expérience théâtrale intense et peu commune, loin des prêts-à-porter, dans laquelle "le spectateur doit se faire confiance et accepter ces nouveaux codes, conclut la comédienne. Le théâtre nous fait l’invitation toute spéciale de participer au théâtre."

Le 17 septembre à 20 h
À la Salle Pierrette-Gaudreault
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