Big Shoot : Frères d'armes
Scène

Big Shoot : Frères d’armes

Big Shoot de Koffi Kwahulé, une matière toute désignée pour le metteur en scène français Kristian Frédric.

En mai 2004, entre les murs de l’Usine C, Kristian Frédric fit un malheur en dévoilant aux Montréalais sa relecture de La nuit juste avant les forêts, un monologue de Koltès mettant en vedette Denis Lavant. Pourtant, les affinités québécoises du directeur artistique de Lézards qui bougent trouvent leurs origines quelques années plus tôt. En effet, c’est grâce à Claude Poissant – qui l’invita à Montréal en 2002 – que l’homme de théâtre de Bayonne dirige ces jours-ci Big Shoot, un texte déstabilisant de Koffi Kwahulé, dramaturge français né en Côte d’Ivoire.

Entouré de concepteurs québécois, Kristian Frédric offre un objet quasi parfait, une pièce d’horlogerie fine, une machinerie aux rouages impeccablement huilés. Il faut dire que la direction d’acteurs atteint une rigueur et une précision rares. Peu de metteurs en scène d’ici parviennent ou même aspirent à autant d’exactitude. Sébastien Ricard fut rarement aussi sobre, Daniel Parent, aussi sardonique. Au centre d’un cube qui tourne sur lui-même, balayés par des projections vidéo, les comédiens entretiennent un dialogue extrêmement riche avec le dispositif scénique qui les enserre, une conception fort ingénieuse du bédéiste et cinéaste Enki Bilal. Seule ombre au tableau, les multiples ruissellements d’un sang couleur d’encre dont la pertinence s’avère discutable.

Malgré toutes ses indéniables qualités formelles, cet affrontement d’une rare violence ne parvient jamais à émouvoir vraiment celui qui en est témoin. Énigmatique, la relation qui unit Monsieur, le bourreau, et Stan, la victime, le restera jusqu’à la toute fin. Plusieurs indices portent à croire que le premier est animateur d’un jeu télévisé dont le second est le participant, une victime consentante qui aspire à ce que l’on mette fin à ses jours. Sciemment, la mise en scène ne fait rien pour clarifier le mystère que la partition chirurgicale et pourtant poétique de Kwahulé cultive. Une chose demeure certaine, les routes de ces alter ego devaient se croiser. Comme Caïn et Abel, le dealer et le client, le toréro et le taureau, l’exécuteur et le sacrifié, ces hommes ont des destins qui sont inextricablement liés.

Jusqu’au 1er octobre
À la Salle Fred-Barry
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