Du vent! : Quand le verbe se fait chair
Scène

Du vent! : Quand le verbe se fait chair

L’œuvre multidisciplinaire Du vent! investira le Studio de l’Agora dans le cadre du 11e Festival International de Littérature. Une création de l’écrivaine et critique Aline Apostolska.

Kafka disait: "Écrire est mettre quelque chose à l’abri de la mort." Pour Aline Apostolska, dont l’amour des mots a jusqu’ici donné le jour à plus d’une vingtaine de romans et récits, écrire est aussi "survivre à sa mort". Nous l’avons jointe à Paris – où elle était de passage – afin qu’elle nous explique comment elle s’y était prise pour aller un pas plus loin, c’est-à-dire pour incarner le mouvement du texte dans le corps dansant.

"J’aime bien dire que les mots partent du ventre pour aller au ventre. Si je me souviens bien, Jean-Pierre Perreault disait ça, lui aussi. Cela veut dire qu’on écrit avec son corps, sa chair, que les mots s’inscrivent d’abord dans le corps et qu’ils sont aussi reçus par le corps du lecteur." Mais si l’écriture est d’abord un geste pour l’écrivaine d’origine yougoslave, elle ne prétendait pas pour autant s’improviser chorégraphe dans le cadre de ce projet dont elle a eu l’initiative il y a moins d’un an. C’est pourquoi, après avoir eu le feu vert de l’Agora et du FIL, elle s’est tournée vers une jeune chorégraphe du milieu, Hinda Essadiqi, pour traduire gestuellement son univers littéraire. Plusieurs se demanderont: pourquoi ce choix?

"Comme critique de danse, j’ai l’occasion de voir le travail de beaucoup de créateurs du domaine. J’ai donc vu quelques pièces d’Hinda. Ce qui m’a séduite chez elle, c’est le côté fluide et friable de son univers. Ça m’interpellait. D’autre part, toute la pièce que nous avons créée ensemble se déroule dans un désert symbolisant le vide, l’imaginaire. Or, cette métaphore était au départ très parlante pour la jeune chorégraphe, étant donné ses origines maghrébines."

Outre cette précision spatiale, la représentation respecte une certaine unité de temps: tout se déroule à l’intérieur d’une journée, soit de l’aube à l’aube. La structure est donc narrative et chaque détail temporel sur lequel l’écrivaine a mis l’accent se charge d’une poésie qui permettra au spectateur d’accéder progressivement au questionnement fondamental de l’œuvre d’Aline Apostolska. C’est-à-dire un questionnement principalement axé sur le féminin, mais aussi sur les notions de métissage, de migration, d’éternité, de précarité, de mémoire et de transmission.

Transposer son propre univers littéraire à la scène comportait-il des contraintes? "Bien sûr! Car à l’écrit, tout est possible. Par exemple, si je veux que vous imaginiez un désert de sable, je n’ai qu’à l’écrire, et voilà! Alors que sur scène, pour X raisons, mon désert de sable n’était plus possible. Il a donc fallu le suggérer. Mais il n’y a pas que des contraintes. Cette expérience nouvelle m’a permis de faire aussi des constatations fort intéressantes. Entre autres, qu’il existe une nette opposition entre une équipe de production et la solitude de l’écrivain. Or, voir les choses sous un autre angle m’a permis de m’apercevoir que ça prenait énormément d’humilité pour accepter de se taper autant de boulot pour si peu de représentations… Ce qui est le lot des artistes en danse."

Pour l’accompagner sur scène, Aline Apostolska a fait appel à trois autres interprètes: Ghislaine Doté (danse et musique), Elisabeth Langley et Philip Szporer (qui récitera un texte inspiré de l’univers de l’écrivain palestinien Mahmoud Darwich). Et pour l’assister dans cette production, elle s’est entourée de la vidéaste Marlene Millar, du concepteur d’éclairages Thomas Godefroid et d’un ancien confrère de travail à Radio-Canada, Winston McQuade, à qui elle a confié la conception des décors.

Les 19 et 20 septembre
Au Studio de l’Agora de la danse
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