Les Enfants du sabbat : Troublante cérémonie
Les Enfants du sabbat nous fait pénétrer dans un monde en blanc et noir: religion et sorcellerie, lumière et ombre.
Si le contraste est clair et domine décor, costumes, éclairage, bien des zones de gris persistent. Où est le bien? Où est le mal? Et surtout, qui est véritablement sœur Julie?
Conjuguant deux univers, celui de rituels chrétiens et de rituels païens, Les Enfants du sabbat s’ouvre sur une présentation silencieuse et solennelle des personnages. Convoqués pour raconter leur histoire, ils prennent place: commence alors la grande cérémonie, entre réalisme et fantastique, entre innocence et obscurité.
Sœur Julie de la Trinité, à la veille de prononcer ses vœux perpétuels, est la proie de malaises; des souvenirs la tourmentent, des visions la terrassent. Le trouble gagne, bientôt, l’ensemble du couvent. Adaptée du roman d’Anne Hébert par Pascal Chevarie, la pièce se présente comme une alternance de scènes, de souvenirs racontés et joués, et de réflexions des personnages. On voyage, ainsi, du cloître où s’est enfermée Julie à la forêt de son enfance, où se tiennent sabbats, rites, initiations, conduits par ses parents.
Le très beau décor (Michel Gauthier) permet l’évocation de ces différents lieux, sur fond de ciel où passent des nuées inquiétantes. Seul accessoire, ou presque: un lit qui, déplacé, suggère la cabane dans les bois, l’infirmerie et autres chambres. Quelques astuces, quelques allées servent aux entrées, sorties et autres apparitions…
La mise en scène d’Eric Jean rythme, par le mouvement, la progression de la pièce: mouvements des comédiens, déplacements des éléments de décor, rapides ou au ralenti, en fixent l’atmosphère. Les comédiens se prêtent au jeu avec fluidité, ce qui donne lieu à des tableaux étonnants, particulièrement réussis lors des scènes de rituel. Les costumes (Catherine Higgins) y concourent également: sobriété ou désordre inquiétant, beauté étrange et organique. Tous les comédiens, excellents, font sentir l’appel du vide, la frénésie qui soufflent sur les personnages. Dans cette distribution de très grande qualité, soulignons l’interprétation juste et nuancée de Klervi Thienpont, dans le rôle de Julie.
Abus de pouvoir, révolte, impossibilité de calmer, ni par la croyance en Dieu, ni par l’appel du Diable, la douleur ou l’angoisse: tels sont les spectres qui s’agitent derrière cette histoire, présentée ici dans une sombre unité.
Jusqu’au 8 octobre
Au Trident
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