Barbe Bleue : Peur bleue
Scène

Barbe Bleue : Peur bleue

Le spectacle Barbe Bleue de la compagnie Cas Public, véritable coup de cœur général, amorce en beauté le volet danse de la saison du Centennial.

Forte du succès remporté par Nous n’irons plus aux bois – qui a atteint l’incroyable sommet de 200 représentations, chose peu commune en danse moderne – Hélène Blackburn s’intéresse de nouveau au jeune public. Cette fois, c’est par le moyen du conte de Perrault qu’elle tente de toucher cet auditoire. "J’ai une formation en littérature et j’avais envie de retourner à la matière littéraire. Barbe Bleue était le conte qui me fascinait le plus quand j’étais enfant. On dit pourtant que c’est celui qui est le moins fait pour eux. Lorsqu’on a présenté le projet, les gouvernements doutaient que ça passe, surtout au Canada anglais. Mais finalement, le spectacle est bien accueilli partout."

Thème central, la peur constitue une source intarissable d’inspiration pour la chorégraphe. "C’est une matière fascinante. Il s’agit d’un des grands défis de l’enfance. On doit apprivoiser la peur pour grandir. Pendant la représentation, les enfants peuvent être un peu effrayés. On fait beaucoup de bruit et l’atmosphère est très sombre, surtout à la fin. Mais il y a plusieurs niveaux d’émotion: ils sont aussi émus et surpris. Le tout est traité avec beaucoup d’humour." Hybride entre danse et théâtre, Barbe Bleue consiste en une série de tableaux où le texte agit aussi en tant qu’élément rythmique.

L’équipe de Cas Public a insisté sur la recherche, ce qui a enrichi la création. "C’est une démarche qui tient davantage du théâtre. Ce n’est pas quelque chose que l’on fait beaucoup en danse." Cette exploration a notamment permis de dénicher une version moins connue de Barbe Bleue, celle de l’écrivain français Anatole France, dans laquelle le tortionnaire est présenté comme une victime. "De nos jours, tout est noir ou blanc. Cette version permet de semer un doute dans l’esprit des spectateurs. Barbe Bleue est-il vraiment méchant ou ne s’est-il pas fait manipuler par ses femmes? Ce questionnement nous permet d’amener les enfants à ne pas se fier aux apparences." Quant à elle, Hélène Blackburn refuse de se prononcer sur la thèse à privilégier. "Je crois que les deux ont pu exister. Quand on ouvre les journaux, on voit que le monstre existe, tout comme les gens qui exploitent les apparences."

Toute en nuances, la chorégraphe ne s’inquiète pas des propos tenus par certains critiques ou chorégraphes puristes, qui dénoncent la dénaturalisation de la danse par l’intégration d’une dimension théâtrale. "Ce sont des questions qui datent d’au-delà de 30 ans. Cette forme a autant le droit de cité que la danse pure. Il y a beaucoup de préjugés dans le milieu de l’art contemporain. On peut être profond sans être hermétique. Je ne suis pas élitiste. Je veux établir un dialogue avec le public." Ce dialogue, la directrice de Cas Public l’entretient aussi avec son équipe. "C’est un collectif, une écriture à mains croisées. Les danseurs sont invités à participer à la création." La formule semble plaire puisque plusieurs lui sont fidèles depuis de nombreuses années. Avec Barbe Bleue, qu’elle considère comme un excellent outil de développement du public, Hélène Blackburn souhaite susciter une loyauté aussi durable chez les enfants, subtilement initiés à la danse.

Le 30 septembre à 20 h
Au Théâtre Centennial