Guy Sprung : Beauté désespérée
Scène

Guy Sprung : Beauté désespérée

Guy Sprung met de nouveau en scène Le Pont de Trevor Ferguson, avec une équipe francophone cette fois.

Pourquoi construit-on le pont? C’est autour de cette question que l’auteur canadien-anglais Trevor Ferguson bâtit son texte dramatique. Alors que Dino, un garçon à tout faire, cherche désespérément la réponse dans un chantier du nord de la Colombie-Britannique, quatre pontonniers de nationalités différentes tentent de résister au découragement soir après soir, partageant le même wagon-lit.

Véritable moteur de la pièce, le questionnement qu’entretient Dino (Stéphane Bellavance) viendra bouleverser les convictions des ouvriers. Cliff (excellent Sébastien Delorme) tente de concilier deux mouvements contradictoires, l’honneur de l’accomplissement et l’exaltation du risque. Frank (Dino Tavarone) attend une promotion tout la sachant impossible. Nuno (Igor Ovadis), immigrant illégal, envoie avec une crédulité limitée sa paie au Portugal. Quant à Zend, (Normand D’Amour), personnage-clé s’il en est un, il s’amuse à déconstruire toute structure de pensée amorcée sous la forme d’une étrange dialectique. Obsédé par la grande beauté qui se cache dans le désastre, il choisira de la débusquer dans la réalisation d’une œuvre. En l’occurrence, la construction du pont…

Si l’origine de l’acharnement reste un terreau fertile à la réflexion, la pièce ne réussit étrangement pas à provoquer ce qu’elle recherche. Le metteur en scène Guy Sprung (dont la mise en scène de ce même texte dans sa langue originale, en 2003, lui a mérité une nomination au Gala des Masques) n’a pas réussi cette fois à transmettre aux acteurs la fébrilité nécessaire au moment théâtral. Il faudra attendre après l’entracte pour sentir les appels sous-tendant la parole, la première partie se limitant à une longue mise en situation. Malheureusement, il sera trop tard: le texte de Ferguson s’affaiblit pour finalement sombrer dans une morale plutôt simpliste que la direction d’acteurs souligne à gros traits. On en sort avec l’impression que malgré l’admirable décor, la magnitude s’est injustement dérobée.

Jusqu’au 15 octobre
Au Théâtre Jean-Duceppe
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