Les Bonnes : Avoir de la classe
Scène

Les Bonnes : Avoir de la classe

Les Bonnes de Jean Genet reviennent sur scène grâce à une nouvelle compagnie théâtrale: Marianne et fils. Rencontre avec Anne-Sophie Armand, comédienne et directrice de la compagnie.

"Les Bonnes, c’est une pièce qui parle de beaucoup de choses, mais entre autres, elle parle des femmes", nous dit Anne-Sophie Armand, qui joue Claire, l’une des bonnes. Dans la vie, Anne-Sophie est une mère, une entrepreneuse, une productrice. Comme comédienne, après sa sortie de l’école de Saint-Hyacinthe, elle a joué depuis dix ans dans de nombreuses pièces dont Les Leçons de Maria Callas, La Cage aux folles et Marius et Fanny. Afin de travailler davantage, elle a fait comme plusieurs comédiens, elle a décidé de créer une compagnie: "Je suis l’instigatrice et la directrice, et avec Marika Lhoumeau, la coordonnatrice, nous sommes deux à porter le projet depuis le début. Le nom, Marianne et fils, est composé simplement de nos deux prénoms, et il évoque les entreprises de la campagne, du genre Morin et fils, des dénominations qui se rapportent habituellement à un monde d’hommes."

Avec Katrina Corbeil, directrice de production et interprète de Madame dans la pièce, le tableau est complet. Au fil des productions, se grefferont donc des collaborateurs extérieurs comme Jacques Rossi (La Mandragore, Le Grand Cahier, Douze Hommes en colère et Les Leçons de Maria Callas), qui met en scène la pièce de Genet. "Le clin d’œil que l’on fait avec le nom de la compagnie veut donc dire: entrepreneuse au féminin, préoccupée par l’environnement des femmes. Nous sommes dans la trentaine et aujourd’hui, être une femme de 30 ans en Amérique du Nord, ça comporte des enjeux, des défis, des préoccupations. Aussi, on veut être près de la communauté, des communautés. On a des préoccupations sociales et on tient à en rendre compte à notre manière, par des choix de textes et par nos différentes implications."

MICROSOCIÉTÉ

Inspirée d’un fait divers (le crime de jeunes sœurs au Mans, en 1933), la pièce de 1947 créée par Jouvet s’intitulait d’abord La Tragédie des confidentes. C’est à la suite de nombreuses modifications du metteur en scène que la pièce a pris le titre et la forme qu’on lui connaît. "Les Bonnes, c’est la lutte des classes. Les héroïnes sont confinées dans leur condition, leur statut, alors qu’elles aspirent à autre chose. Elles vont entrer dans un monde imaginaire. Claire veut ressembler à Madame alors que Solange est révoltée, c’est la Che Guevara de Genet. Autant Claire est lucide et lumineuse à la fois, autant Solange (jouée par Marika Lhoumeau) est sombre. En même temps, elles sont siamoises, malgré leurs grandes différences. À la limite, elles ont même un rapport qu’on pourrait qualifier d’incestueux."

Le seul moyen que les bonnes ont trouvé pour changer leur condition, c’est de tuer Madame en devenant "mauvaises". Elles accéderaient alors à une reconnaissance publique; mais est-ce cela, le chemin de la liberté, le bon moyen pour ne plus souffrir de dépendance et de servitude? En attendant, elles jouent à Madame. "Genet se considérait comme apolitique, mais il demeurait très engagé", rappelle Anne-Sophie Armand. Plus tard, en commentant son travail, Genet parlera même de terrorisme légal. "Tout ce qui appartient au domaine des apparences dans cette pièce est drôlement actuel", nous dit la comédienne qui souligne qu’à 34 ans, elle est perçue comme déjà vieille pour son métier. "Notre lecture, notre vision de la pièce tourne beaucoup autour du domaine des apparences. Ça se passe dans un lieu qui place le spectateur en voyeur. On a érigé un filtre, un filet transparent qui fait écran, qui nous donne l’impression d’épier le jeu." Le jeu dans le jeu, le monde des apparences, c’est à travers cette lunette que sera présentée la pièce qui, malgré le nombre de fois où elle a été montée, nous dira, semble-t-il, encore quelque chose de neuf…

Du 27 septembre au 15 octobre
Au Théâtre La Chapelle
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