Marcel Bozonnet : Royale intimité
Scène

Marcel Bozonnet : Royale intimité

Marcel Bozonnet, acteur, danseur et metteur en scène français, revisite sa Princesse de Clèves pour une toute dernière fois à Ottawa, en se consacrant corps et voix à cette histoire d’amour incontournable du classicisme français.

Voilà maintenant 10 ans que "l’administrateur général" (c.-à.-d. directeur artistique) de la Comédie-Française de Paris, Marcel Bozonnet, donne vie à ce texte de Marie-Madeleine de La Fayette. Le tout a débuté alors qu’un ami musicien, directeur musical de l’Ensemble Gravida, Alain Zaepffel, met la main sur des airs inédits d’Antoine Boesset du XVIIe siècle. Il lui demande alors de lire des passages de la Princesse de Clèves sur la musique de son quatuor lors d’une série de concerts. "Je ne lisais que six ou sept passages, mais ça m’a fait redécouvrir le texte, que je n’avais pas lu depuis l’école. Ça m’a fait m’enthousiasmer et je me suis dit que c’était une langue admirable." Il décide ensuite d’en faire un spectacle solo alors que son compagnon adapte l’œuvre, qui date de 1678. "Ça raconte l’histoire d’un coup de foudre, d’une passion, mais c’est un texte qui a une dimension de conte, donc une personne seule peut le prendre en charge, raconter l’histoire et incarner, suggérer les différents personnages et retenir l’attention des spectateurs".

Vêtu de son pourpoint Henri II, d’une fraise et baigné d’un éclairage crépusculaire, il donne vie à ce texte dans des mouvements savamment chorégraphiés, rappelant la gestuelle de la Renaissance française. "Il y a des conteurs qui incarnent vraiment chacun des personnages, moi je les esquisse plutôt." Caroline Marcadé lui a assuré le soutien nécessaire pour les chorégraphies. "Il y a une architecture des phrases dans cette langue du XVIIe siècle, un rythme absolument magnifique. Les auteurs de l’époque écrivaient une prose presque nombrée, on sent que c’est écrit en tenant compte du nombre de syllabes dans la phrase. Cet aspect induit un certain nombre de gestes d’accompagnement, et puis la phrase est tellement ciselée que les gestes ne peuvent pas être laissés totalement au hasard".

Ainsi, "en suggérant la rencontre, la séparation, le drame", il entraîne le spectateur dans l’histoire de la belle demoiselle de Chartes qui, n’ayant pas connu l’amour, se résout à épouser le prince de Clèves. Mais voilà qu’elle croise le chemin du duc de Nemours, qui lui fera connaître les vestiges de la passion. Monsieur Bozonnet, qui affectionne cette époque, explique ce qui a facilité la transposition de cette œuvre au théâtre: "C’est la clarté, l’acuité de l’expression pour décrire le sentiment, pour décrire la passion, le sentiment amoureux. Sa façon de nommer avec une précision sidérante les états d’âme. (…) Cette œuvre a souvent été qualifiée de premier roman psychologique", remarque-t-il de son Paris, "en plein été indien".

Travaillant présentement à la mise en scène de Tartuffe, c’est donc au Centre national des Arts, à l’invitation de Denis Marleau, que monsieur Bozonnet a choisi de mettre fin aux représentations. "Je vais m’arrêter parce que j’ai envie de travailler autre chose. Mais pour l’instant, j’ai eu tellement de travail dernièrement que mon grand plaisir, c’est de m’en aller, de me concentrer, de me retrouver avec mes deux amis techniciens à l’autre bout du monde et de faire mon métier de comédien."

Voici donc une occasion pour lui de clore cette série en beauté avec ce spectacle, qu’il a peaufiné comme un luthier son violon. "Le spectacle est exactement le même, quoiqu’il ait énormément évolué. C’est qu’à un moment, on le travaille tellement qu’on ne peut plus se détourner de ses défauts, un moment donné il faut les vaincre."

Jusqu’au 24 septembre à 20 h
Au Studio du CNA
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