Rideau Vert : Noces d'argent
Scène

Rideau Vert : Noces d’argent

À la barre d’un Rideau Vert renaissant de ses cendres, Denise Filiatrault ouvre une toute nouvelle programmation avec sa mise en scène de La Visite de la vieille dame, de Friedrich Dürrenmatt.

On a bien cru qu’il allait s’éteindre. Pourtant, le plus vieux théâtre de la province fourmille en ce mois de septembre. C’est que la toute nouvelle directrice artistique du Théâtre du Rideau Vert, Denise Filiatrault, investit le lieu en signant la première mise en scène de la saison. Une façon de donner le coup d’envoi en revendiquant un théâtre accessible au grand public.

"La Visite de la vieille dame est une pièce que j’aime depuis longtemps et c’est le genre de pièce que je veux que l’on présente au Rideau Vert, explique-t-elle d’entrée de jeu. Les gens viennent voir quelque chose de bon et qu’ils vont comprendre facilement. Mais il ne s’agit pas pour autant de faire une pièce ordinaire ou quelconque. Je vois cela dans la suite de ce que j’avais commencé au Festival Juste pour rire, c’est-à-dire présenter des pièces de grande qualité qui vont aussi intéresser des gens qui ne sont jamais allés au théâtre. J’aime que le public sorte de la salle en y ayant connu de grands auteurs et, surtout, en les appréciant!"

Ce mandat semble s’imposer comme une évidence à la metteure en scène, qui occupe une place unique dans le cœur des Québécois. "J’ai toujours pensé au public, d’abord, peut-être par crainte de ne plus pouvoir gagner ma vie un jour avec ce métier-là, avoue-t-elle candidement. Je crois avoir toujours fait des choses de qualité, parfois plus divertissantes que "songées", c’est vrai. Mais j’ai toujours fait un travail honnête que le public aime. Et le public n’est pas bête. Peut-être que plusieurs se plaisent à dire le contraire, mais ils n’ont pas mon âge. J’ai 74 ans, je connais ce public depuis longtemps. J’ai touché à ce que nous appelions au début les night-clubs, car c’était la seule façon de faire mon métier à l’époque. Puis les cabarets, les cafés-théâtres, les premières troupes… Je vous assure que ce n’était pas évident, même ici, au Rideau Vert. On n’offrait pas toujours des pièces accessibles ou alors, à l’inverse, c’était du boulevard. Mais maintenant, il y a beaucoup de troupes de talent. Alors, le public s’éduque tranquillement. Et il y a beaucoup plus de salles de théâtre, alors il y en a pour tous les goûts."

COMÉDIE HUMAINE

Réussir à provoquer une réflexion tout en restant accessible à un large public, voilà un défi intéressant que la pièce de Friedrich Dürrenmatt pourrait relever. L’histoire, somme toute simple, raconte le désir de vengeance d’une femme milliardaire revenant dans son village après y avoir été abandonnée par son amant des années plus tôt. Les villageois, rongés par la misère, espèrent une aide financière que celle-ci mettra à leur disposition sous ses conditions. Elle ne demandera rien de moins que la mise à mort de son ancien amant. Une fable non dénuée d’humour exposant les limites de la moralité et brossant un portrait cinglant du capitalisme.

Denise Filiatrault soutient son désir de simplement s’en tenir à l’histoire. "La pièce illustre que la nature humaine est fragile. Je suis touchée par le fait que l’homme devient méchant et mesquin quand il est privé de l’essentiel. Et le résultat est souvent désastreux. Dans la pièce, les pauvres prendront goût à l’argent et en voudront toujours davantage."

Pour parvenir au dosage qu’elle recherche, Denise Filiatrault utilisera le jeu masqué, une ligne artistique déjà explorée par le metteur en scène Omar Poras. Mais loin de vouloir faire de la pièce une farce politique grinçante, elle compte accentuer par là le coté manichéen de l’histoire. L’argent achète-t-il vraiment tout le monde?

Une question coquine qui ouvre la porte à la controverse concernant le financement de Quebecor dont jouit l’actuelle équipe du Rideau Vert. "Tout le milieu théâtral crève, manque d’argent, cherche par tous les moyens à en trouver, déplore la nouvelle directrice artistique. Alors, c’est du snobisme que de critiquer cette contribution. Le Théâtre du Rideau Vert était en train de mourir et ce financement nous a sauvés. La direction artistique n’est pas en péril du tout. Quebecor ne m’impose rien, ce n’est que généreux et c’est d’autant plus remarquable. De toute façon, avec le caractère que j’ai, aucune concession n’aurait été possible…"

Du 27 septembre au 22 octobre
Au Théâtre du Rideau Vert
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