En pièces détachées : Cris et chuchotements
Scène

En pièces détachées : Cris et chuchotements

En pièces détachées présente quelques-uns des grands personnages de Michel Tremblay. De ces quelques morceaux de leur histoire, Frédéric Dubois fait un spectacle plein de  compassion.

Chaque fois que Thérèse rentre saoule à la maison, c’est la scène, entre elle et sa mère Albertine. Scène dure, violente, où l’on se jette ressentiment, mensonges; scène qu’attendent les voisines, comme elles attendraient leur téléroman du soir. Pour se distraire, oublier leur propre misère, leur ennui.

Comme l’indique son titre, En pièces détachées présente différents moments, centrés autour de Thérèse. Outre la finale, chaque tableau annonce, prépare la scène à venir avec Albertine. Pivot de la pièce, cette dispute est suivie de l’arrivée de Marcel, enfui de l’institut où on l’a placé. Si la pièce, au plan de la construction, n’est pas la plus intéressante de Tremblay, elle réserve toutefois des moments très forts, des échanges bouleversants qui, graduellement, révèlent la fermeture de ce monde. Sombre constat de Tremblay sur un univers dont la seule issue semble la folie, celle de Marcel, la seule grâce, quelques souvenirs plus calmes, que goûte Albertine, seule.

Frédéric Dubois bâtit sa mise en scène autour de cette idée de la "scène": l’esthétique du spectacle en porte partout la trace. Rideau fermé à l’entrée des spectateurs, éclairage souligné au moment des chœurs, décor (Michel Gauthier) comme une arène. Au centre, la piste où tout se joue; tout autour, les gradins, de grands escaliers comme on les connaît de Limoilou, de Montréal, ne menant nulle part, sur fond de ciel: magnifique. Le jeu est aussi teinté de cette idée: fauves en cage, ennemis se poursuivant, les personnages tournent en rond, s’esquivent, se heurtent.

Cette lecture donne à toute la pièce force et unité. La direction d’acteurs est juste, l’interprétation, nuancée, jusque dans les chœurs. Totalement déchirant est Frédérick Bouffard, dans le rôle de Marcel. Toute la scène finale, d’ailleurs, est d’une sensibilité douloureuse qui crève le cœur. Bien sûr, tout cela ne pourrait être sans l’art de Tremblay, fouillant, dans plusieurs de ses œuvres, le même sillon: la souffrance de personnages englués dans une vie étouffante et surtout, leur impuissance à s’en sortir. Frédéric Dubois et son équipe les rendent vivants et, par leur empathie, nous écorchent de leur malheur.

Jusqu’au 15 octobre
Au Théâtre de la Bordée
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