Festival mondial des arts pour la jeunesse : Procréation
Scène

Festival mondial des arts pour la jeunesse : Procréation

Le Festival mondial des arts pour la jeunesse, qui se tenait cette année à Montréal, s’est achevé le 30 septembre. Voici un bref retour sur quatre créations québécoises dont nous réentendrons parler dans les prochains mois.

HARMONIE
Théâtre de la Dame de Cœur

Shin, un enfant médecin, soigne les animaux aux prises avec le dérèglement des écosystèmes des quatre coins de la planète. Pollution, surconsommation, déresponsabilisation, les hommes détruisent sous les yeux du jeune public la planète Terre que Shin tente en vain de sauver. Le découragement s’emparera alors de notre héros et les enfants du public devront s’engager à haute voix pour que le médecin daigne bien continuer son travail.

Le Théâtre de la Dame de Cœur reste ici fidèle à sa réputation, utilisant des marionnettes géantes époustouflantes, alliant cette fois le grandiose à la technologie. Pourtant, le scénario de l’auteure Maryse Pelletier pourrait gagner en substance. Une écriture dramaturgique plus accomplie rendrait l’émerveillement total. En coproduction avec le Japon, le Théâtre de la Dame de Cœur a présenté Harmonie en primeur à l’Exposition universelle d’Aichi, en mai dernier.

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POUR CEUX QUI CROIENT QUE LA TERRE EST RONDE
Compagnie Mathieu, François et les autres

Nouvelle création de l’auteur Jean-Rock Gaudreault et de la metteure en scène Jacinthe Potvin, la pièce Pour ceux qui croient que la Terre est ronde illustre la confrontation de Christophe Colomb et de son fils de 13 ans, Hernando. Échoués sur une île de prime abord hostile, le père et le fils découvriront que les valeurs de l’un contredisent celles de l’autre. L’adolescent comprendra qu’il lui faut se dissocier de la pensée du paternel, un processus douloureux marquant le deuil de la naïveté.

Dans une ingénieuse scénographie de poutres, de cordages et de poulies, les acteurs Gabriel Sabourin et Louis-Martin Despas entament une dialectique parfois difficile d’accès pour un enfant néophyte. Les nombreuses allusions au passé du navigateur peuvent rester sans écho et la structure du texte privilégiant le récit demande un grand effort d’attention. Pour public averti. Nous devons aux mêmes créateurs les pièces Mathieu trop court, François trop long (1998) et Deux pas sous les étoiles (2002).

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LÉON LE NUL
Théâtre de la pire espèce

Léon est plus malingre que les autres, ce qui lui vaut les quolibets de ses camarades. Pourtant, en cachette, Léon avale clous et boulons afin de devenir un train en fer. Ainsi, il courra vite, il frappera fort, il sera indestructible. Avec ce monologue (le personnage de Léon cite tous les autres personnages), Francis Monty relève le défi de créer un texte pour enfants autour de la violence sans complaisance. L’arène de la cour d’école fait frissonner adultes et enfants jusqu’à ce qu’une finale peut-être trop manichéenne révèle l’envers des apparences.

En choisissant de faire jouer le personnage de Léon par un quadragénaire (Martin Dion) en complet-veston, le metteur en scène Gil Champagne choisit de placer l’illusion au centre de sa pièce. L’univers décalé qui en résulte propose aux enfants un monde dans lequel les figures du pouvoir cachent des peurs enfouies.

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BASHIR LAZAR
Texte d’Evelyne de la Chenelière mis en lecture par Daniel Brière

Véritable coup de cœur de ce festival, Bashir Lazar de l’auteure Evelyne de la Chenelière nous était présenté à l’étape de la simple mise en lecture. Ce texte, racontant les péripéties d’un remplaçant algérien devant une classe de primaire, ravit par sa capacité à provoquer la réflexion sur une société en perte de repères tout en émerveillant petits et grands grâce à un personnage principal fascinant.

L’auteure nous offre ici une suite de tableaux monologués mariant habilement l’humour et le drame. On retrouve Lazar devant sa classe, dans le bureau de la directrice, dans la salle des professeurs, au bureau de l’immigration. La suite inventive de soliloques permet au public de suivre le professeur dans ses pérégrinations et ses revendications. Les jeunes spectateurs sont alors confrontés aux charmes de cet homme exalté voulant les initier aux textes classiques alors que les adultes y mesurent les conséquences et entourloupettes que demande la rigueur. Bref, du bonbon. Ne reste plus qu’à espérer que Denis Gravereaux, incarnant avec intelligence le rôle-titre lors de la lecture, poursuive l’aventure de cette création que l’on se souhaite pour la suite du monde.