Jacques Rossi : Un air de folie
Scène

Jacques Rossi : Un air de folie

Avec la mise en scène de Jacques Rossi, Les Bonnes de Jean Genet se refont une jeunesse.

Monter Les Bonnes de Genet ne va pas sans risque. Seulement durant les 20 dernières années, la pièce, qui date de 1947, a été jouée quelque dix fois à Montréal. La nouvelle compagnie théâtrale Marianne et fils, formée des trois comédiennes que l’on peut voir sur scène, a trouvé un angle intéressant pour aborder l’œuvre sans trop marcher sur des mines. Avec la mise en scène de Jacques Rossi, il est question bien sûr de la condition humaine et de la lutte des classes, mais on cerne, plus qu’à l’habitude avec cette pièce, le monde des apparences. Les bonnes jouent, se donnent en spectacle, et les spectateurs deviennent voyeurs.

L’idée est simple mais ingénieuse: l’action se déroule dans une vitrine et les bonnes (interprétées par Anne-Sophie Armand et Marika Lhoumeau), qui dans le texte ne jouaient que pour elles, se donnent en spectacle pour les passants, en l’occurrence, nous. Pour ce faire, on a dressé une véritable vitrine entre les acteurs et la salle. Le problème avec cette vitrine, par ailleurs très belle, c’est que les concepteurs auraient dû en laisser le bas et le haut, afin que l’on comprenne la convention, mais enlever la majeure partie de la vitre entre les comédiennes et les spectateurs. De cette façon, les actrices n’auraient pas à hurler pour se faire entendre, ce qui permettrait plus de nuances dans le jeu, parfois un peu forcé. Elles jouent à jouer, certes, mais bon, on a compris. De surcroît, les éclairages se reflètent dans la fameuse vitre et les gens des premières rangées en perdent sinon quelques subtilités, du moins leur concentration. Heureusement, une autre trouvaille de la mise en scène fait un peu oublier cet ennui technique: le chant fantaisiste.

Dès que Madame (Katrina Corbeil) arrive dans le décor, le jeu passe à un autre niveau, intégrant l’arioso de manière comique, presque absurde. Les comédiennes finissent certaines tirades en chantant, ce qui, tout en amenant l’humour, accentue la profondeur psychologique de la pièce. Un air de folie s’empare de la scène, un air qui, doucement, entraîne la mort. C’est avec la deuxième partie que cette version des Bonnes gagne le pari d’être pertinente et actuelle.

Jusqu’au 15 octobre
Au Théâtre La Chapelle
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