Temps de chien : La turbulence des fluides
Temps de chien, deuxième volet du cycle sur la Climatologie des corps de Sylvain Émard, nous est présenté en première mondiale à l’Usine C.
La relativité, la mécanique quantique et le chaos – trois grandes découvertes du 20e siècle, dans le domaine de la physique (mathématique) – nous ont permis de sortir du règne de la pensée déterministe newtonienne, qui consistait à percevoir l’évolution de l’univers comme une donnée prévisible et stable. C’est ainsi que nous acceptons aujourd’hui de voir également cet univers comme potentiellement instable et chaotique, tant dans le domaine des sciences qu’en art.
Cette lente éclosion de la pensée laisse poindre de temps à autre un petit bourgeon créateur, fruit de l’intuition d’un artiste. On doit l’un de ces bourgeons à Sylvain Émard, que nous avons rencontré à son bureau, rue Saint-André. "Je perçois depuis un bon moment l’environnement qui m’entoure comme devenant de plus en plus complexe. De cela découle une profusion de signaux. Il me semble que les gens sont de plus en plus désemparés devant tant de signaux; nos relations deviennent, à leur tour, de plus en plus complexes."
Le chorégraphe montréalais nous avoue qu’il sentait le besoin de réagir artistiquement à ce bouleversement. C’est pourquoi il a eu le projet de créer, à partir de Pluie (2004), en fonction d’un cycle de Climatologie des corps. La métaphore se lit, bien sûr, à plusieurs niveaux. "Quand on parle du climat, la première chose qui nous vient à l’esprit est probablement la température d’un lieu, à un moment quelconque de la journée et/ou de l’année. C’est-à-dire la météo. Mais si un vent peut voyager et favoriser les semences comme apporter la destruction, un climat sociopolitique, psychologique, économique, scientifique ou encore technologique peut sûrement avoir les mêmes effets."
Cela revient au fameux "tout est dans tout". Mais comment s’y prend-on pour transposer gestuellement cet état d’esprit? Évidemment, on ne peut jamais répondre avec précision à ce genre de question. C’est comme essayer de retrouver ses traces dans le désert lorsqu’il vente: la piste est fugace. Toutefois, si ces quelques indices nous échappent, la démarche est souvent claire, comme c’est le cas chez Émard. "Depuis Scène d’intérieur (2001), j’ai commencé à créer selon un mode qui consiste à diviser le corps dansant en deux partitions, le haut et le bas, de la même manière qu’il y a une main gauche et une main droite au piano. Je pourrais dire que je compose la danse comme on compose la musique. À ce compte, j’aime bien superposer ces partitions selon une structure polyphonique. Je suis conscient que ça augmente le niveau de difficulté de l’interprétation, mais l’écriture chorégraphique s’en trouve, selon moi, nettement enrichie."
Pour Temps de chien, le chorégraphe a pris le risque de renouveler totalement sa distribution d’interprètes. "J’ai même organisé, pour la première fois, des auditions. Ce n’est pas ma façon de faire habituelle, mais cette fois-ci je voulais me faire surprendre. Aussi, j’avais l’intention de prendre quelques jeunes danseurs de la relève." C’est ainsi que son choix s’est arrêté sur les trois Torontois Kate Holden, Heidi Strauss et Darryl C. Tracy et les trois Québécois Éric Beauchesne, Laurence Lemieux et Manuel Roque.
Du côté des collaborations (inter)disciplinaires, cela s’annonce très bien, car on aura droit au travail d’équipe de deux compositeurs de talent, soit Michel F. Côté et Tim Hecker pour la trame sonore. À la vidéo, un petit nouveau dont on reparlera: Effe (Francis Leclerc). À la scénographie: Richard Lacroix, et à la conception d’éclairages, tout comme il en était pour Pluie: Étienne Boucher.
Du 13 au 15 et du 19 au 22 octobre
À l’Usine C