Martin Genest : Heurt de vérité
Scène

Martin Genest : Heurt de vérité

Martin Genest nous parle de son adaptation du Festen de Thomas Vinterberg, un spectacle qui, comme le film, joue la carte de l’authenticité. À hauteur Dogme.

Alors que parents et amis sont réunis pour célébrer le 60e anniversaire d’un homme estimé de tous, un de ses fils l’accuse d’avoir abusé de sa sœur jumelle – qui vient de se suicider – et de lui-même dans leur enfance. "Ce que j’ai gardé du film, c’est le jeu de la vérité et, évidemment, cette histoire qui me trouble vraiment, par l’inceste, la pédophilie, cette cruauté-là, mais aussi, la question de l’image", observe Martin Genest, qui se dit fasciné par cette idée de gratter pour aller voir ce qui se cache sous la surface. Une apparence d’abord irréprochable, à tel point que personne n’arrive à croire en la culpabilité du père. Et c’est ce doute que Genest prend soin d’entretenir, qu’il veut faire partager au spectateur, en le traitant comme un invité de la réception. Ainsi, chacun sera appelé à participer, que ce soit en prenant place à table avec les comédiens ou autrement… "Pour que, dès le départ, tous se sentent inclus, qu’il y ait un côté festif, de façon à ce que le contraste soit encore plus fort quand arrive la rupture de ton", explique-t-il, en spécifiant qu’il mise beaucoup sur cette tension entre célébration et drame tout au long de la pièce.

De même, à l’instar du film obéissant aux règles du Dogme, le spectacle cherche à faire en sorte que le public se sente réellement témoin des événements. "Au théâtre, on n’a même plus l’écran, en plus", lance-t-il, aussi séduit par les possibilités du direct que conscient de la difficulté d’atteindre au réalisme dans un tel contexte. "J’ai essayé d’éliminer le plus possible toute la théâtralité, de garder l’intimité, fait-il valoir. Il va vraiment falloir porter attention à ce qui se dit. Et je sais qu’on va peut-être même perdre des choses. Mais c’est vraiment fait pour qu’on ait l’impression d’être voyeur, d’être là comme dans la vraie vie." À cet effet, la mise en scène, sobre et épurée, s’efface derrière le jeu. Ce qui ne l’empêche pas de développer un discours subtil en contrepoint de celui-ci. "L’objet reste important pour moi, affirme le metteur en scène, également marionnettiste à ses heures. À un moment donné, il y a un service et c’est là que mon intervention prend tout son sens. La façon de jouer avec les assiettes et le bruit que ça cause ont une signification en rapport avec ce qui se passe." Autant dire que les symboles se fondent à l’ensemble: le lustre, silhouette composée de 500 coupes cassées, planant au-dessus de la scène tel le fantôme de la morte; le verre, très présent, évoquant la fragilité, le danger; le bain et l’eau, devenant emblématiques d’une pureté perdue… Et s’il recourt à l’allusion, c’est par souci de justesse envers l’émotion de passages auxquels on aurait peine à croire s’ils étaient présentés tels quels. "Mon plus gros défi, c’est de placer le spectateur dans cette situation et qu’il n’ait pas juste un regard intellectuel sur elle, mais aussi l’impression de l’avoir vécue, qu’il se laisse gagner par cette histoire", conclut-il. Bref, de tout mettre en œuvre pour qu’il s’identifie à son personnage…

Du 18 octobre au 5 novembre à 20 h
Au Théâtre Périscope
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