Annick Léger : Futur voilé
Scène

Annick Léger : Futur voilé

La comédienne Annick Léger sort la tête haute d’un bien exigeant contrat: Le Testament du couturier, de Michel Ouellette.

Cinq personnages pour une seule comédienne et un décor sublime qui, en plus de nous transporter dans le futur, fait paraître Annick Léger plus grande que nature. Impressionnante, le crâne rasé, la comédienne avance tous ses personnages, trois masculins et deux féminins, à un rythme essoufflant avec, en fond, une ambiance sonore omniprésente qui suggère autant l’aspect robotique de ces temps futuristes qu’un côté fataliste, apocalyptique. Sa voix varie, l’accent, l’élocution et le débit aussi. Changent également les positions, les tics, les gestes de chacun des personnages, à un point tel qu’il n’y a jamais de confusion sur ce plan; on sait, avant qu’une première phrase soit énoncée, à qui on a affaire.

Comme il n’y a jamais d’interlocuteur, que l’on compose avec les silences, avec un monde d’interprétations, on peut parler d’un véritable tour de force de la part d’Annick Léger sur qui reposent essentiellement la compréhension et la dynamique de la pièce. Appuyée par la mise en scène (Joël Beddows) et la scénographie (Glen Charles Landry), qui permettent d’améliorer la lisibilité de la pièce, Léger parvient presque à nous faire oublier le caractère faussement complexe du texte, qui semble pris au piège dans cet univers aussi touffu qu’éparpillé, et qui nous présente une société futuriste gravement ancienne dans ses rapports hommes-femmes.

L’histoire se déroule dans une ville fermée et aseptisée, sorte de banlieue représentant le Bien, qui tente d’enrayer les rapports charnels, les désirs et autres plaisirs semblant subsister dans les grosses villes. Le monde est devenu si froid et si protégé qu’une robe datant du 17e siècle, donc faite à la main, va venir bousculer tout un équilibre. La robe, inachevée, est porteuse d’un virus. Autour de cette fameuse robe, des histoires d’amour se tissent. Difficile pour le spectateur de suivre avec intérêt ces multiples pistes qui s’emmêlent, difficile aussi d’apprécier les différents niveaux du texte, qui bascule de l’ironie à la fable, toujours sous le même genre d’effets sonores. Mais le plus dur, c’est d’absorber ce portrait de société qui semble faire fi de toute évolution, et qui présente des relations humaines s’apparentant à celles d’il y a 50 ans. Bref, un spectacle beau et bien mené, mais qui laisse un arrière-goût, un malaise.

Jusqu’au 22 octobre
À Espace Libre
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