Caravane : La magie du conte
Scène

Caravane : La magie du conte

La troupe Caravane, depuis 25 ans, sème la fête partout où elle passe. Habituellement très éclatée, elle goûte au calme le temps d’un spectacle dans le cadre du Festival des contes et légendes de Saint-Élie. Entretien avec la fondatrice, Sarah Barbieux.

Le vent siffle doucement entre les branches des feuillus dorés. Sur la terrasse annexée à leur maison en bois de Saint-Paulin, Sarah Barbieux et sa fille Thaïs se laissent bercer par cette mélodie cristalline. Elles s’imprègnent de ce cadeau de la nature pour alimenter leur imagination. À des kilomètres de la ville, elles "connectent" avec ce que la terre leur offre de plus pur, de plus authentique.

Pour ces professionnelles de la fête, ce besoin de se retirer est vital. Personne ne peut donner constamment sans recharger ses piles, surtout lorsque cet échange s’échelonne sur une période de 25 ans. Troupe familiale, Caravane mêle différentes disciplines artistiques: danse, chant, théâtre, manipulation de marionnettes géantes. Elle renoue avec les traditions roma tout en expérimentant la création. Ainsi naissent de grands moments carnavalesques. Après tout le chemin parcouru, Sarah Barbieux s’étonne encore des commentaires qu’elle reçoit parfois: "Le plus dur est d’entendre qu’on ne fait pas un métier. On travaille à contrat. On vit exclusivement de ça. On ne fait pas un autre métier à côté. C’est notre métier… de faire la fête! (rires) Non, on devrait dire d’apporter la fête. Au Québec, ce n’est pas facile parce que si tu aimes ça, tu ne dois pas être payé. Moi, j’ai découvert ça ici. Travailler, ça doit être très dur. Il y a tellement de gens qui font ce qu’ils n’aiment pas, alors…" Celle qui a grandi parmi les parfums et les couleurs de l’Algérie garde tout de même espoir que les mentalités changent, que les arts soient considérés à leur juste valeur.

CONTER LES TRADITIONS

Devant composer la plupart du temps avec la rudesse de la rue, Sarah Barbieux admet être contente lorsqu’elle retrouve le confort de la scène. Là, elle peut arrêter de se battre contre les imprévus et transmettre un message. Le spectacle du 6 novembre à la Pierre angulaire fait partie de ces petits luxes du métier. Accompagnée de Thaïs, qui initiera le public aux mandalas, elle narrera sept contes d’origine roma. Ces courtes histoires, adaptées et traduites par elle, seront liées par de la musique et des chants en sanscrit. "J’ai tout choisi ce que je narre. Je me sens très libre de changer un mot. Jamais je ne veux me sentir étouffée par quoi que ce soit. Comme je l’ai dit, je suis tombée amoureuse de chacune des légendes que je raconte. Si je n’aime pas l’histoire, je vais avoir bien de la misère. C’est la même chose avec les chansons. Je ne peux interpréter que les chansons que j’adore. Pour le reste, je suis une interprète pourrie. Il faut que j’aime profondément sinon ça ne sort pas!" s’exclame l’artiste à la voix lumineuse. Et quels sont les critères pour toucher son cœur? "Je crois que les contes et les légendes ont été pendant extrêmement longtemps, dans toutes les civilisations, des sources de sagesse et d’enseignement, des témoignages sur la nature humaine. Elles ont aussi été, quelque part sur le plan psychologique, des guérisseurs d’âmes. Donc, on leur doit énormément. Avant, l’école, c’était les contes et les légendes. C’était comme ça que les enfants apprenaient ce qu’ils avaient besoin de savoir sur la vie. Bref, une légende doit nous apprendre quelque chose sur nous-mêmes, nous faire aller plus loin. Il faut que ça nous amène à faire de l’introspection. […] Les histoires que je sélectionne doivent dépasser l’anecdote. Elles doivent être porteuses de quelque chose. Peu importe si c’est joyeux ou triste."

Moins sensuels que les légendes orientales, les contes tziganes ont leur caractère bien à eux. "On vient tout de suite au sujet. Il n’y a pas de grandes descriptions. Ce n’est pas nécessairement une expérience qui passe par tout ce que tu goûtes, tout ce que tu touches. C’est vraiment direct. Ça a un caractère un peu plus sauvage. On ne prend pas plein de détours. Et il y a souvent de la magie, mais encore à l’état brut. Tu vois, par exemple, dans la tradition roma, le soleil, le vent, les étoiles, la lune et les arbres sont des divinités. Donc, les histoires les intègrent en tant que telles."

Les gitans ont gardé leurs traditions vivantes grâce à la parole. Depuis une cinquantaine d’années, l’oralité se creuse une place dans les livres. Un phénomène nouveau auquel Sarah Barbieux se dit contente de participer. "Ça peut paraître contradictoire que, pour raconter des légendes roma, j’y aille avec la narration. Mais c’est une façon de développer le côté littéraire qui n’existe presque pas chez le peuple roma, puisque c’était un peuple de traditions orales. Ça fait seulement une génération, peut-être deux, qu’il écrit. Donc c’est extrêmement jeune et, en tant que créatrice, je veux faire partie de ce mouvement-là."

Festival des contes et légendes de la Mauricie
Du 13 octobre au 13 novembre
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Un tour du monde en contes

Les jours basculent de plus en plus rapidement dans l’obscurité; les arbres se décharnent à la vitesse du vent. La nature semble se préparer à accueillir le huitième Festival des contes et légendes de la Mauricie, qui se déroule du 13 octobre au 13 novembre, en créant une ambiance mystérieuse. Si son cœur se trouve au Café-spectacle La Pierre angulaire de Saint-Élie, l’événement occupe le territoire de la Mauricie au grand complet. Il présente des spectacles autant à La Tuque, à Shawinigan que dans la MRC de Maskinongé. Encore une fois, le Festival se fait un devoir d’accueillir des artistes issus de presque tous les continents. Mis à part sa tête d’affiche, la comédienne russe Kim Yaroshevskaya (5 novembre), il reçoit entre autres le Marocain Hamed Bouzzine (29 octobre), le Burkinabé Hassane Kassi Kouyaté (22 octobre), le Martiniquais Frank Sylvestre (15 octobre, 12 novembre) et l’Italienne Frida Moronne (14 octobre). Le rendez-vous revient aussi avec son concept d’organiser des soirées de contes dans des résidences privées de Saint-Justin. (K.G.)