Filles de guerres lasses : Chour ouvert
Scène

Filles de guerres lasses : Chour ouvert

Filles de guerres lasses, montée par Caroline Binet, regroupe quatre courtes pièces autour de quatre héroïnes de la modernité. Entrevue avec l’auteure, Dominick Parenteau-Lebeuf.

"Moi, je ne suis pas une fille de guerres lasses", nous dit Dominick Parenteau-Lebeuf, qui affirme vouloir écrire du théâtre longtemps, "même si faire de l’art au Québec, ça va devenir de plus en plus un combat. On le voit, et c’est très déprimant, l’art est tassé au profit du divertissement." Sortie en 1994 de l’École nationale de théâtre, la dramaturge ne diminue pas pour autant son rythme de travail. Elle s’est d’ailleurs déjà fait remarquer plusieurs fois, notamment avec Dévoilement devant notaire et La Petite Scrap. "L’art, c’est quelque chose de lent, et je crois que les humains sont fondamentalement impatients. Comme artiste, tu dois parler à ton côté humain, lui dire que l’art, ce n’est pas faire débouler quelque chose, mais nourrir quelque chose, et arriver à lui donner une forme qui soit la plus sensée et la plus belle possible. Les conditions en théâtre sont tellement difficiles, on ne joue tellement pas longtemps, que si on se met à donner des œuvres approximatives, on ne pourra pas durer, et ce qui m’intéresse, personnellement, c’est de durer."

Filles de guerres lasses est un collage de quatre courtes pièces montrant quatre battantes épuisées. D’abord, Vive la Canadienne!, où l’on fait la connaissance d’une fille de féministe qui, enfant, rêvait d’être majorette. Ensuite, Vices cachés, qui présente l’habitat, avec ses intrus, comme métaphore du corps. S’ensuit Nacre C, où une poète devient la muse d’un peintre pour qui elle pose, s’oubliant et mettant de côté son propre travail créatif jusqu’à ce qu’adviennent d’autres transformations. Finalement, Catwalk, sept voix pour sept voiles: "Le dernier texte est vraiment construit comme une tragédie grecque, mais compressé à la façon de Caroline Binet, qui fait des chœurs modernes. Ce qui veut dire que ce n’est pas un groupe qui forme une voix, mais plutôt chacun qui développe sa personnalité à l’intérieur du chœur et qui vient nourrir le groupe de cette personnalité."

Si les trois premières pièces datent de six ou sept ans et qu’elles n’ont pas été écrites pour la scène, le tout s’enfile comme un seul gant et garde une couleur très orale, sinon musicale. "Les trois premiers textes sont ce que j’appelle des courts métrages, alors que le quatrième est un moyen métrage, vraiment écrit comme un chœur, conçu comme tel. Ailleurs, le chœur arrive de façon beaucoup plus légère, à deux ou trois voix. Parfois, il s’agit seulement de voix qui surgissent; c’est davantage une polyphonie qu’un chœur. Il y a même des solos… On pourrait appeler ça Polyphonie pour solos et chœurs."

Comme il n’y a pas beaucoup de place pour monter des courtes pièces, l’idée de les rassembler germait, alors que celle des chœurs est née du travail de Caroline Binet: "Un jour, surgi de nulle part, m’est apparu le titre: Filles de guerres lasses. Au même moment, mon amie Caroline Binet travaillait des chœurs, au sein d’ateliers auxquels j’ai assisté. Et c’est ce travail-là que j’ai eu envie d’explorer. Nous avons fait une première lecture au Festival du jamais lu et ça a été extraordinaire, alors nous nous sommes dit: on part, on le fait! Et puis voilà."

La dramaturge prétend ne pas avoir l’oreille particulièrement musicale, mais lorsqu’elle écrit, la respiration et le rythme prennent une part importante. Ce n’est donc pas si surprenant qu’elle travaille présentement avec les chœurs: "Il y a quelque chose dans les chœurs qui peut faire très ancien, mais quand je regarde ce que j’ai fait avec ça, et avec le langage de la tragédie, en contorsionnant les époques, en m’amusant avec les tournures d’époque…" Sans qu’elle termine sa phrase, on comprend qu’elle est satisfaite et qu’encore une fois, elle a osé, complètement.

Jusqu’au 29 octobre
À la Salle Jean-Claude-Germain du Théâtre d’Aujourd’hui
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