José Navas : Simplicité volontaire
José Navas présente ses Portable Dances au Studio de l’Agora. Une étude formelle en trois parties et le retour sur les planches d’un chorégraphe-interprète mûr.
C’est Rainer Maria Rilke qui écrivait, dans ses Lettres à un jeune poète, qu’"être un artiste veut dire ne pas calculer, ne pas compter, mûrir tel un arbre qui ne presse pas sa sève, et qui, confiant, se dresse dans la tempête printanière sans craindre que l’été puisse ne pas venir. Or il viendra pourtant. Mais il ne vient que pour ceux qui sont patients, qui vivent comme s’ils avaient l’éternité devant eux, si sereinement tranquille et vaste".
Peut-être est-ce le fruit du hasard, mais il me semble avoir eu la chance de rencontrer ces derniers temps un noyau d’artistes montréalais au seuil de la quarantaine répondant à ce profil. Comme ce fut le cas, en ces premiers jours d’automne, lorsque José Navas nous a accordé une entrevue au sujet de son tout dernier projet chorégraphique. J’avais devant moi un homme visiblement en paix avec lui-même. Et avec raison… "L’année qui vient de passer s’est avérée cruciale. Il s’en est fallu de peu pour que je mette la clé sous la porte de la compagnie Flak. Plusieurs facteurs, tels la mort d’un proche, la maladie d’un autre, un budget trop serré, des choix artistiques insatisfaisants m’ont poussé à me repositionner face à mon métier d’artiste en danse. Je me suis alors demandé ce que ça voulait encore dire pour moi être un chorégraphe et un danseur, à mon âge. Mais aussi, ce que cela pouvait réellement apporter aux autres."
Le chorégraphe d’origine vénézuélienne avoue qu’après être revenu d’un séjour dans son pays natal, où les conditions de vie se détériorent progressivement en raison du climat politique actuel, il s’est soudain trouvé privilégié. "Ici, j’ai un studio où je peux pratiquer. Des danseurs que je peux payer. Dans le fond, c’est tout ce dont j’ai besoin. Par simplicité volontaire, j’ai remis en question l’utilisation superflue de scénographies et de costumes dispendieux. J’ai aussi remis en question un style de spectacle où je faisais des concessions théâtrales pour plaire au public. Ma force, c’est le formel. Mais ma plus grande peur était d’ennuyer le public en allant trop dans l’abstraction. Je me rends compte, maintenant, qu’il y a une grande différence entre désirer plaire et vouloir tout simplement donner. Donner ce qu’on est, sans artifice."
On a pu voir l’amorce de ce virage avec le duo Le ciel, brûlant des heures (2004), d’une simplicité désarmante. La même collaboration fort prometteuse entre le compositeur Alex MacSween et José Navas se poursuit dans les Portable Dances, où on trouve ce même travail efficace de déconstruction de la parole sur un mode rythmique répétitif et contrapuntique. La mise en place de cette pulsation, qui instaure une atmosphère se rapprochant de la transe, permet alors au spectateur d’accéder à l’abstraction formelle sur un mode quasi hypnotique. Une intelligente stratégie.
L’étude chorégraphique se compose en trois volets, dont deux seront dansés par Mira Peck, Magali Stoll et Chanti Wadge; l’autre sera dansé par Navas lui-même. Un heureux retour! "C’est maintenant que je commence à comprendre comment on danse sur scène. Je trouvais donc ça dommage d’arrêter tout ça là. D’autre part, nous avons vécu un processus de création où chacun de nous s’est trouvé transformé du début à la fin. La relation entre nous était plutôt de l’ordre de l’échange, du questionnement. Je sens que les interprètes y ont trouvé leur compte. Leur engagement personnel, dans leur art, nous a permis de mettre au premier plan le processus, de façon à ce que chaque spectacle devienne un lieu de cristallisation, un passage… et non une finalité en soi."
Du 19 au 22 et du 26 au 29 octobre
Au Studio de l’Agora
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