Antoine et Cléopâtre : Salade César
Scène

Antoine et Cléopâtre : Salade César

Antoine et Cléopâtre, un croisement de Shakespeare et de Lewis Furey qui ne passe pas du tout la rampe.

Depuis leur création il y a quatre siècles, les pièces de Shakespeare ont connu les mises en scène les plus diverses. Pour une vision lumineuse, combien de propositions affligeantes et de relectures intempestives? Que ceux qui pensent que les chefs-d’œuvre du grand Will ont été servis à toutes les sauces se détrompent! Ces jours-ci, Lewis Furey transforme Antoine et Cléopâtre en un objet aussi hybride que brouillon.

Comme si l’on tenait à ce que le spectacle décroche le titre d’œuvre d’art totale, au sens wagnérien du terme, les disciplines les plus diverses ont été mises en présence. D’abord, le chant et la musique: une ambiance et un phrasé typiquement Furey, une partition soignée où dominent les notes d’un piano à queue. Ensuite, la danse: une chorégraphie de Claude Godin, de très belles séquences de mouvements où point l’influence d’Édouard Lock. Et, finalement, l’espace: un plateau presque nu, un lieu dépouillé qu’une lumière souveraine rend futuriste. Annick La Bissonnière et Alain Lortie signent une "architecture lumineuse" – une expression un peu pompeuse – qui émerveille, tableau après tableau. Contemporains et banalement prêt-à-porter, les costumes de Georges Lévesque et Michèle Hamel démystifient des personnages pourtant plus grands que nature.

Il y a là une surabondance de signes qui trouble gravement le décodage de la représentation et du récit. Interchangeables, quand ce n’est pas carrément supprimables, les 47 "chansons" de ce théâtre musical en cinq actes (totalisant près de trois heures) font péniblement avancer l’action. Avec une voix frêle et des manières de fillette geignarde, Sylvie Moreau incarne une Cléopâtre bien plus agaçante qu’imposante. Plus convaincant, Jean Maheux offre sa voix, belle et forte, à un Antoine malgré tout schématique. Renaud Paradis, manifestement doué pour le mouvement, chante aussi avec aplomb. Son Octave, personnification du mal, est sans contredit le plus étoffé des trois protagonistes centraux. En observant ce plateau bariolé de corps, de lumière, d’éclats de voix et de notes, on croirait que le metteur en scène a quitté le navire, laissant l’anarchie prendre le dessus.

Jusqu’au 5 novembre
Au Théâtre du Nouveau Monde
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