Une ardente patience : Aux hommes de bonne volonté
Scène

Une ardente patience : Aux hommes de bonne volonté

Une ardente patience passe tout naturellement du roman à la scène, grâce à Eric Jean et son équipe.

Eric Jean

entame sa première véritable saison à la barre du Quat’Sous avec Une ardente patience, un spectacle qu’il a créé l’été dernier, au Bic, pour le Théâtre les gens d’en bas. Inspirée du roman d’Antonio Skarmeta, un écrivain chilien ayant fui son pays en 1973, à la suite du coup d’État fomenté par le général Pinochet, la pièce entremêle on ne peut plus adroitement le destin de quelques personnages attachants à celui de toute une nation.

Pour l’occasion, Magalie Amyot signe un décor aussi simple qu’efficace, un lieu de passage qui évoque à la fois le bureau de poste où Mario commence chacune de ses journées, la maison du poète Pablo Neruda et le café de la veuve Gonzalez, où travaille la belle Beatriz, sa fille. Pour incarner le jeune facteur emporté par le désir, Vincent-Guillaume Otis était tout désigné. Affriolante et farouche à souhait, Éveline Gélinas prête à Beatriz sa si jolie voix. Pour sa part, Jack Robitaille insuffle autant de charisme que d’humour à son Neruda. Dans la peau de Rosa Gonzalez, Dominique Quesnel, quoique truculente, aurait avantage à s’éloigner quelque peu du stéréotype de la belle-mère. Dans les rôles secondaires, Alexis Lefebvre et surtout Jocelyn Blanchard s’en tirent fort bien.

Impossible, particulièrement dans la petite enceinte du Quat’Sous, de ne pas communier au quotidien des habitants de l’île Noire, de ne pas vibrer au rythme de leurs instruments et de leurs chants. Il faut dire que la représentation, composée d’une suite de courts tableaux, est escortée par la pulsation périodique d’un tambour, comme un battement venu du cœur de la terre. Le découpage qu’Olivier Kemeid a pratiqué dans le roman (traduit par François Maspero) opère à merveille. Brillamment appuyée par la mise en scène, la tension politique ne cesse de croître. Après la chute d’Allende et la mort de Neruda, le spectacle se termine dans un apogée qui prend à la gorge. Avec ce magnifique plaidoyer pour la liberté et l’engagement, Eric Jean réussit, tel qu’il en formule le souhait dans le programme, à rappeler que le 11 septembre est aussi le symbole d’"un rêve brisé pour les Chiliens du monde entier".

Jusqu’au 12 novembre
Au Théâtre de Quat’Sous
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