Festen : Secrets de famille
Avec Festen, le Théâtre Blanc convie le public à une fête. Et ce faisant, le fait participer pleinement à une singulière et puissante cérémonie théâtrale.
Retrouvailles et banquet, à l’occasion du 60e anniversaire d’Antoine, père de famille respecté: voilà Festen, fête de famille, pièce inspirée du film de Thomas Vinterberg et adaptée par Martin Genest, qui signe aussi la mise en scène. Pour l’occasion, et malgré l’ombre d’un deuil récent qui plane sur l’atmosphère joyeuse, les enfants d’Antoine se joignent à lui et à son épouse, ainsi que de nombreux invités: le public. En effet, et c’est la grande force du spectacle, les spectateurs deviennent convives: accueillis par le personnel de l’hôtel familial, ils participent aux réjouissances, s’assoyant même, pour certains, à la table avec les comédiens.
Cette exploration des frontières entre théâtre et réalité marque également le jeu des comédiens. Exubérance des uns, compassion ou trouble des autres, l’interprétation est tout à fait juste et d’un naturel confondant: par la simultanéité et l’apparente spontanéité, notamment dans tous ces gestes, petits échanges comme dans la "vraie vie", qui ont cours en marge du texte et de l’action principale. Cet aspect prend ses assises dans la scénographie de Jean Hazel: public sur deux côtés, de part et d’autre de longues tables disposées en rectangle; au centre, une baignoire, espace de jeu, symbole du passé, surmontée d’un lustre fait de coupes ébréchées. Le bruit du verre – fragilité, brisure – est d’ailleurs souvent présent, motif récurrent, parfois angoissant.
Tous les choix de mise en scène, du jeu aux éclairages, des échos aux odeurs, visent à inclure le spectateur dans la fiction. Fidèle au Dogme, principe cinématographique prônant l’économie de moyens, cette production prouve brillamment qu’avec un concept intelligent et bien réalisé, des ingrédients simples, parfaitement maîtrisés, on peut réussir un spectacle non seulement enthousiasmant, mais aussi fort, percutant. Et qui devient une véritable expérience de complicité, de communion entre comédiens et spectateurs, associés dans le plaisir de la transgression, mais aussi liés dans la stupeur, puis l’indignation. Martin Genest souhaitait que la pièce frappe: mission accomplie, grâce à cette cohésion de tous les éléments qui, outre l’intérêt esthétique, se mettent totalement au service d’un propos troublant.
Jusqu’au 5 novembre
Au Théâtre Périscope
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