José Navas : Ajusté au corps
Scène

José Navas : Ajusté au corps

Portable Dances, de José Navas: une poésie sans artifice.

La toute dernière création du chorégraphe montréalais d’origine vénézuélienne peut nous apparaître comme un bonbon doux dont la texture feutrée est une caresse pour les sens. Mais ce n’est qu’un premier niveau qui nous permet d’accéder à bien plus encore, si nous nous donnons la peine de lire entre les lignes du corps.

Le Pas de deux for Four Dancers qui ouvre la soirée nous surprend déjà par sa simplicité scénographique: quatre corps habillés d’un noir très modeste, sur un tapis blanc éclairé de manière franche. Rien n’encombre notre attention; le geste est roi et maître. La seule couleur étrangère permise par José Navas surviendra de l’aspect sonore. Ce qui a pour effet de placer le mouvement corporel et le son sur un mode dialogique, utilisé de telle manière qu’il vient enrichir notre lecture de l’œuvre. C’est à ce compte que les structures sonores acousmatiques d’Alexandre MacSween viennent discuter (avec) le visible, au point de le rendre perméable à une multitude de trajets sémantiques. Par exemple, dans le Solo With Light, la performance au sol de Navas, en sueur, sur le dos, ne bougeant que quelques muscles abdominaux et l’extrémité des doigts sur une surface sonore déréalisée par le ralenti, donne au corps humain l’aspect d’un automate au bout de ses derniers spasmes mécaniques. Ou encore, dans le Trio in White, ce qu’on imagine à partir de l’admirable performance solo de Mira Peck, sur un fond sonore élaboré à partir du bruit de running shoes glissant sur un plancher de bois lisse: déformées à force de répétitions et de superpositions, ces traces stridentes semblent devenir des cris d’oiseaux qui, plaqués sur le corps de la danseuse, lui donnent, par moments, l’aspect d’un échassier.

Mais le pouvoir de mutation sémantique des formes n’est pas le seul atout de cette pièce. Car bien avant de chercher une piste d’interprétation au mouvement, nous sommes déjà largement occupés à nous remettre de l’effet percutant que procure la précision époustouflante des corps dansants. Le tandem José Navas et Chanti Wadge, qu’on peut apprécier dans le premier volet de la soirée, est d’ailleurs exemplaire: ces danseurs ont sur l’espace la puissance d’un diamant sur une plaque de verre. Ils le découpent avec une aisance apparente qui révèle un haut niveau technique et une maîtrise du corps indéniables.

S’il est clairement annoncé dans le programme que les Portable Dances ont été créées en mémoire des danseurs William Douglas et David Kilburn – et que l’on sait, en outre, que le processus de création s’est imprégné du thème de la "disparition" -, l’œuvre ne fait toutefois référence à la mort qu’avec une bonne dose d’humilité et par la force évocatrice de l’abstraction. Ce qui laisse le choix au spectateur d’entrer ou non par cette porte.

Cette nouvelle création nous laisse entrevoir un Navas épanoui, dont le verbe chorégraphique s’est muni d’une grammaire juste et franche, mais néanmoins limpide.

Jusqu’au 29 octobre
Au Studio de l’Agora de la danse
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