Le Misanthrope : Un monument dépoussiéré
Scène

Le Misanthrope : Un monument dépoussiéré

Le Misanthrope de Molière est présenté dès aujourd’hui au Petit Théâtre de l’UQAC. Avec une équipe de comédiens remarquables et une lecture toute personnelle, Rodrigue Villeneuve, le metteur en scène, nous réserve quelques  surprises…

C’est connu, les paroles s’envolent, les écrits restent. Certains écrits ont une vie plus longue que d’autres. Parmi ceux-là, des textes d’un autre temps, qui portent leur écho retentissant jusqu’à nous, éclairant notre monde de leur vérité. Le Misanthrope, que les Têtes Heureuses nous offrent cette année, a été écrit il y a près de 350 ans. Un texte riche qui continue de révéler parcimonieusement ses secrets.

JAMAIS MIEUX SERVI QUE PAR SOI-MÊME

Pourquoi choisit-on de produire un classique? Le texte a déjà été joué une multitude de fois, et pourtant… Rodrigue Villeneuve, principal metteur en scène des Têtes Heureuses depuis 1990, a lui-même eu l’occasion d’assister à différentes représentations de cette pièce. Chaque fois, il est resté sur sa faim. C’est ce qui l’a poussé à mettre en scène sa propre lecture du Misanthrope: "Mon but, c’est de faire ce que, moi, je crois y voir. J’espère être capable de le communiquer à ceux qui sont dans la salle." L’idée n’est pas de reconstruire un vieux monument tel qu’il était jadis, mais plutôt de lui donner une nouvelle couleur, de l’imprégner d’une vie franchement ancrée dans notre époque.

La particularité de cette mise en scène est que tous les rôles sont joués par de jeunes comédiens, ce qui, selon le metteur en scène, correspondrait mieux au texte. Christian Ouellet (Alceste) explique: "Dans la tradition, ce sont toujours des plus vieux qui jouent dans cette pièce. Mais Alceste est jeune. Tous les personnages sont jeunes, puissants. Ils connaissent la vie, mais ils sont jeunes." Ils ont la jeunesse, mais pas l’innocence.

Produire un classique n’est jamais une tâche facile. Sur le ton de la confidence, M. Villeneuve avoue que ça peut être rassurant, parce que le texte a fait ses preuves, mais il souligne que ça fait aussi un peu peur: les spectateurs ont des attentes mieux définies.

Le texte lui-même impose des obstacles importants. "On se fait jouer des tours par les mots", lance Christian. Il est vrai que le sens des mots choisis par Molière a eu le temps d’évoluer en trois siècles et demi. Un véritable travail d’analyse était donc nécessaire pour toute l’équipe: pour faire comprendre et donner à chaque mot la résonance qu’il mérite, il faut d’abord comprendre soi-même toutes les nuances du verbe de l’auteur. La structure du texte en alexandrins apporte aussi son lot de difficultés. "C’est un travail très précis, renchérit Marie Villeneuve (Célimène). Ce n’est pas comme jouer du Michel Tremblay, quand on sait que tout le monde dans la salle va nous comprendre. Tout est une question de dosage." Il semble en effet que le travail a été plus long que d’habitude. Le metteur en scène, qui n’en est pas à ses premières expériences, avait prévu le coup: "Ce qui nous intéresse, c’est de montrer la vérité que contient le texte. On ne peut découvrir ça qu’en y travaillant très fort." Maintenant, toute l’équipe est fin prête, et rien n’a été laissé au hasard.

UN PROPOS ACTUEL

Selon Rodrigue Villeneuve, la misanthropie telle que présentée par cette pièce reste une forme d’amour du monde. Photo: Steven Ferlatte

Il y a ceux qui acceptent le monde tel qu’il est. Et il y a ceux qui veulent le changer. Selon Rodrigue Villeneuve, la misanthropie telle que présentée par cette pièce reste une forme d’amour du monde. Incongruité? Peut-être pas. Alceste sent un malaise lorsqu’il est parmi les hommes, mais plutôt que de s’isoler et de rester passif, il conteste, se révolte. Il voudrait influencer la situation, changer son monde. C’est pourquoi il exige en tout temps la sincérité totale du cœur. "Il n’est pas méchant, affirme Christian, il fait ça par amour." Le personnage veut être vrai, il exècre les flagorneries et les courbettes mondaines. "Les héros qui m’intéressent sont toujours des héros problématiques, révèle le metteur en scène. Ils ne sont pas capables d’accepter le monde tel qu’il est."

Assurément, Le Misanthrope présente une vision moderne de l’homme, de la femme et de la liberté. Selon Marie Villeneuve, Célimène est une femme résolument moderne. "Pour elle, c’est la liberté qui est importante. Elle la revendique jusqu’à la fin, même si elle voit qu’elle va perdre l’amour de sa vie." La liberté est tout aussi importante pour Alceste, qui tente de se défaire des chaînes de la vie en société. Évidemment, il est éperdument amoureux de la femme qui représente tout ce qu’il refuse du monde…

L’ÉVÉNEMENT MOLIÈRE

Le colloque s’adressant aux amoureux du théâtre en est à sa 10e édition. Chaque année, il permet au public de partager des idées sur la pièce présentée par les Têtes Heureuses. Les Dialogues avec Molière devraient permettre à ceux qui y assisteront d’approfondir leur compréhension du texte et de discuter avec différents théoriciens ou praticiens du théâtre. Nouveauté cette année, l’événement se tiendra sur deux jours, les 10 et 11 novembre. En effet, dans le cadre de l’événement Molière, Jean-Guy Proulx, un organiste de renom, a été invité à se produire au Conservatoire de musique. Il sera donc possible d’assister gratuitement à un concert d’orgue du XVIIe siècle. Les morceaux joués seront accompagnés d’une lecture, par des comédiens, de différents textes de la même époque.

UNE ÉQUIPE D’EXPÉRIENCE

Selon Rodrigue Villeneuve, les jeunes comédiens de talent foisonnent dans la région. L’enseignement du théâtre à l’université y est certainement pour beaucoup. C’est d’ailleurs grâce à cette force régionale qu’il a pu s’entourer de jeunes gens accumulant déjà une expérience impressionnante, pour redonner sa jeunesse au Misanthrope: Christian Ouellet, Marie Villeneuve, Éric Chalifour, Éric Laprise, Sophie Larouche, Marc-André Perrier, Mathieu Savard, Caroline Tremblay et Pierre Tremblay. Avec une équipe de concepteurs qui a fait ses preuves, la production est porteuse de nombreuses promesses…

Du 3 au 20 novembre
Au Petit Théâtre de l’UQAC
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