4.48 Psychose : États seconds
Scène

4.48 Psychose : États seconds

De 4.48 Psychose, l’ultime pièce de Sarah Kane, Claude Régy fait une bien contraignante plongée dans les abîmes de la maladie mentale.

À 80 ans, Claude Régy continue de se mesurer aux écritures dramatiques les plus contemporaines. En octobre 2002, au Théâtre des Bouffes du Nord, le metteur en scène osait diriger 4.48 Psychose, la vertigineuse partition de la Britannique Sarah Kane, un quasi-monologue qu’il a spontanément destiné à Isabelle Huppert. À l’Usine C, pour quelques jours encore, la comédienne retourne explorer les territoires oppressants d’un esprit aussi pénétrant que déséquilibré.

Enfant terrible pour les uns, enfant prodige pour les autres, Sarah Kane commence à écrire en 1995. Rapidement, elle est taxée de provocation. Trop crus ou trop concrets, les univers qu’elle dessine ont profondément choqué l’Angleterre puritaine. Avec 4.48 Psychose, sa toute dernière pièce, celle qu’elle a léguée en s’enlevant la vie à l’âge de 28 ans, l’auteure signe un testament, une œuvre plus intime, plus intérieure et surtout plus désespérée. Une femme, probablement internée, se confie à un homme, probablement un psychiatre. Durant tout près de deux heures, elle dissèque son état, exprime les moindres nuances de sa profonde dépression, s’adonne à la plus totale négation d’elle-même.

Devant une immense toile translucide, surface scintillante où sont projetés verbes et chiffres, Isabelle Huppert, les yeux remplis de larmes, se tient droite et pratiquement immobile durant toute la durée de la représentation. Derrière, Gérard Watkins procède à de rares apparitions, bouge peu, articule quelques mots. Fidèle à son approche radicalement minimaliste, Régy exige des acteurs qu’ils prononcent leurs répliques de la manière la plus monocorde qui soit. Lorsque, à deux ou trois reprises, Isabelle Huppert hausse le ton ou module son discours, le spectateur sursaute presque. Malgré l’audace de la proposition et la performance peu banale de la comédienne, nous sommes en droit de nous demander si les choix du metteur en scène servent réellement l’œuvre. Malheureusement, ce spectacle est si désincarné qu’il risque bien de reconduire le cliché selon lequel la mise en scène française est froide et abstraite.

Jusqu’au 12 novembre
À l’Usine C
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