Hélène Blackburn : Anne, ma sour Anne
Hélène Blackburn est allée fouiller dans les coffres de Charles Perrault pour en ressortir le plus mystérieux de ses contes, afin de créer un spectacle de théâtre chorégraphique majestueux.
Quoique arrêtée par de nombreux sceptiques qui estimaient que ce conte de Perrault n’était pas approprié pour les jeunes, Hélène Blackburn décide d’y aller de l’avant dans une adaptation colorée et majestueuse pour les 8 ans et plus de Barbe Bleue. "C’était mon conte favori lorsque j’étais enfant! explique d’entrée de jeu la chorégraphe, qui a notamment travaillé auprès du grand Jean-Pierre Perreault. Je pense que ça tenait à cette angoisse, à cette curiosité d’ouvrir cette "mosusse" de porte!"
Rappelons d’abord les grandes lignes de ce conte: après plusieurs échecs amoureux, l’énigmatique Barbe Bleue trouve finalement une femme qui accepte de le marier et qui s’installe dans sa somptueuse demeure. À la veille d’un voyage à l’étranger, il remet à sa bien-aimée les clefs des différentes pièces en lui interdisant formellement de visiter son cabinet. Mais la femme, bien mal lui en prend, visite la pièce pour y découvrir l’horreur: les dépouilles des ex-femmes de son mari s’y trouvent. Prise d’une peur bleue au retour de son époux, elle demande désespérément l’aide de sa sœur Anne par la fenêtre du château pour précipiter l’arrivée de ses frères afin de la sauver des mains meurtrières de Barbe Bleue.
"Quand je me suis mise à fouiller l’historique du conte, la première chose qu’on dit, selon tous les experts, c’est qu’il s’agit du conte de Perrault le moins fait pour les enfants. (…) Pourtant, quand j’ai commencé à consulter les versions d’origine des grands contes, j’ai découvert que le conte original de Blanche Neige des frères Grimm comporte aussi son lot d’horreur", note la chorégraphe, qui cite en exemple la façon qu’a de mourir la méchante belle-mère. "Elle doit chausser des souliers en métal, qu’ils ont préalablement fait chauffer, et danser jusqu’à ce que mort s’ensuive. Mais c’est horrible, ça! Finalement, Barbe Bleue, c’est bien tranquille au fond", relativise-t-elle avec humour.
Ainsi, comme première étape, la chorégraphe, qui a une formation en littérature et en théâtre, est partie à la recherche des versions antérieures du conte. Elle a découvert notamment un film muet de Méliès en plus de mettre la main sur une vidéo d’une des premières chorégraphies de Pina Bausch, qu’elle a basée sur Le Château de Barbe Bleue de Bartók.
En plus de la version de Perrault, Hélène est aussi allée piger dans celle d’Anatole France, qui humanise et décriminalise le personnage de Barbe Bleue. "On fait un genre de kaléidoscope de versions sous la forme de tableaux, qui sont soit dansés, soit parlés", remarque-t-elle.
Dans sa démarche, Hélène a aussi revu et revisité le langage des signes: "Quand j’ai commencé à faire parler les danseurs, ils étaient très inconfortables. Alors, le moyen de les tenir occupés, c’était de les faire bouger en même temps. On s’est donc mis peu à peu à chorégraphier les textes. On a essayé d’avoir un débit normal et faire en sorte que ça devienne le rythme de notre danse. C’est beaucoup la démarche qu’on entreprend… On a déjà travaillé avec le véritable langage signé, mais pour Barbe Bleue, c’est un langage inventé."
En plus de se moquer des mises en garde qu’elle a reçues avant de monter cette pièce, Hélène Blackburn a aussi choisi de faire un clin d’œil au boycott des activités scolaires par les enseignants au Québec. "C’est qu’il n’y a pas d’enfants dans les salles actuellement. Et c’est très triste. Il y a des centaines d’enfants qu’on ne rencontrera pas cette année", note-t-elle en soupirant. On s’acharne à leur fournir un guide pédagogique qui est en lien avec le programme scolaire, donc je pense que l’on fait partie du scolaire, et non du parascolaire, comme certains le prétendent. Je pense qu’éduquer, c’est aussi cultiver", conclut la sympathique chorégraphe.
Le 12 novembre à 13 h 30
Le 13 novembre à 13 h 30 et 15 h 30
Au Studio du CNA
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