Les Fridolinades : Des nouvelles du front
Avec Les Fridolinades de Gratien Gélinas, Jean-Guy Legault continue d’entrechoquer les époques avec maestria.
Ces jours-ci, pour le plus grand bonheur des spectateurs du Théâtre Denise-Pelletier, Jean-Guy Legault dépoussière Les Fridolinades de Gratien Gélinas. Radicale, sa relecture n’en est pas moins respectueuse. Si les références sociales et politiques sont généralement actualisées, la période qui a vu naître les populaires revues, la Seconde Guerre mondiale, est loin d’être oblitérée.
En fait, le principal intérêt du spectacle réside dans l’entrechoquement qu’il provoque entre les années 30 et les années 2000. Au cœur de cette collision, qui permet de constater que les temps ne changent pas beaucoup, se trouve le jeune Fridolin. Bien qu’il ait vu le jour en 1938, le garçon jette sur notre ère un regard bien perspicace. Pour assurer la cohérence de son collage, Legault expédie Fridolin à la guerre. De plus, il lui oppose un promoteur immobilier qui n’a qu’un seul but: transformer le théâtre en condominiums. La convention permet notamment de lier les numéros et d’unifier les conceptions. Ainsi, Étienne Ricard signe un décor transformable, à mi-chemin entre le bunker et l’arrière-cour; les costumes de Pierre-Guy Lapointe adoptent ingénieusement le filon militaire et les éclairages de Kareen Houde traduisent aussi bien les feux de la guerre que le clair-obscur des ruelles.
Avec ses passages chantés, ses parodies et sa désopilante version filmique de La Dame aux camélias, la représentation, quoique trop longue (2 h 30), divertit grandement. En la truffant d’allusions on ne peut plus explicites aux incongruités de notre époque (de Wal-Mart à Spectra, en passant par le scandale des commandites), le metteur en scène règle ses comptes avec virulence. Fougueux et ironique à souhait, Nico Gagnon est un Fridolin en or. Cumulant les personnages, Éric Bernier, Luc Bourgeois et Marie-Ève Pelletier, notamment, font preuve d’une agilité impressionnante. Au cours des dernières années, Jean-Guy Legault s’est forgé une véritable signature. En mars prochain, le metteur en scène devra sûrement rompre avec sa réputation de fanfaron pour créer Nuit d’Irlande, une pièce plutôt grave de Marie Jones. L’heure d’un changement de cap aurait-elle sonné?
Jusqu’au 19 novembre
Au Théâtre Denise-Pelletier
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