Magali Lemèle : Arme blanche
Magali Lemèle signe sa première "grande" mise en scène avec Couteau… Sept façons originales de tuer quelqu’un avec d’Isabelle Hubert, un essai aiguisé sur les péchés modernes. Rencontre.
Sortie du Département de théâtre de l’Université d’Ottawa en interprétation et en mise en scène il y a quatre ans, Magali Lemèle s’est fait découvrir en tant que comédienne, notamment dans Le Passé antérieur, Motel Paradise, Burlington, Compromis et Les Voix de la parole. Forte de quelques expériences antérieures de mise en scène – Rimbaud, le bateau ivre (une mise en lecture), Libérés sur parole et, au sein de la troupe Dérives urbaines, L’Histoire du soldat et Les Cent Pas -, Magali Lemèle s’attaque ici avec une poigne de fer à un texte d’Isabelle Hubert. "Ma première réaction quand j’ai lu la pièce a été: "je triperais en tant que comédienne à jouer là-dedans". Parce que je suis habituée à toujours penser comédienne avant. Il y a 21 personnages pour 5 comédiens!" lance-t-elle d’un ton envieux, en signalant que la pièce lui a été proposée par Sylvie Dufour, directrice artistique du Théâtre du Trillium.
Un petit garçon en voyage de pêche avec ses parents balance à l’eau le précieux couteau porte-bonheur du pêcheur qui lui avait demandé de couper la tête et la queue des prises. Geste délibéré ou impulsif? Vingt et un an plus tard, le jeune homme se fait aider par un psychologue pour comprendre les raisons qui l’ont poussé à agir ainsi. Ses hypothèses, lancées ici et là, sont parfois loufoques, parfois graves… mais toujours éclatées. Ainsi, entrecoupant les scènes dans le cabinet du psychologue, les "entre-scènes" permettront d’entrer dans le subconscient du personnage, dans des non-lieux se transformant tour à tour en un bureau de député, une chambre d’hôtel, une salle de bain de petite fille, une ruelle de skins, une télé diffusant une infopub de couteau, etc.
Toutes ces scènes ont un dénominateur commun: le couteau. "C’est la référence, c’est à cause de ça que tout a commencé. C’est à cause de ça qu’il est obsédé. Tout tourne autour du couteau: le tranchant du couteau, la ligne du couteau, le miroir du couteau…" note Magali.
Ce sont les comédiens Éloi ArchamBaudoin, Nathaly Charrette, Benjamin Gaillard, Catherine Rousseau et Stéphane Gravel qui donneront vie à ce récit décousu qui se veut en quelque sorte la chronique des sept péchés modernes. "Isabelle [Hubert] a le sens du dialogue. L’ironie et le sarcasme qu’elle réussit à mettre dans certains dialogues, c’est hallucinant! s’exclame la metteure en scène. Il y a des scènes qui sont assez rough, mais c’est comme ça dans le subconscient: il y a du beau, il y a du laid, il y a du drôle. Il y a de tout! Je ne voulais pas tomber dans le rire tout le long; fallait qu’il y ait des subtilités, pour rendre justice au texte."
S’inscrivant dans une nouvelle génération de metteurs en scène, Magali Lemèle définit surtout sa démarche par l’importance accordée aux personnages. "Moi, ce n’est pas le réalisme ou le quotidien qui m’attire. Michel Tremblay, je ne serais pas capable de le mettre en scène, ce n’est pas moi. J’aime ça, je suis capable de jouer dedans, mais pas de le mettre en scène. Avec moi, faut que ça explose, qu’il y ait du pétillant. Je ne suis pas hyperréaliste, mais je sais aussi que je ne suis vraiment pas "Robert Lepage". Du théâtre, pour moi, c’est du théâtre. C’est le juste milieu entre les deux. J’aime ce qui est éclaté, mais qui donne plus de place au texte. J’aime un plateau nu, en fait, ça se résume à ça. Pour moi, le théâtre, c’est le comédien, c’est son travail. Je n’ai pas besoin de 75 artifices autour." Le ton est donc donné pour cette jeune metteure en scène qui n’a pas froid aux yeux …
Du 15 novembre au 3 décembre à 20 h
À La Nouvelle Scène
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