Marie Laberge : Public privé
Scène

Marie Laberge : Public privé

Avec Charlotte, ma soeur, Marie Laberge signe une œuvre charge où la densité du propos s’apparente au manifeste.

Absente du milieu théâtral depuis treize ans, Marie Laberge revient avec une histoire ayant pour objet la réunion: celle de l’art et de la joie, des vivants et des morts, de la femme et de l’homme, de la vie et de la vérité.

La pièce Charlotte, ma sœur ajoute ainsi un chapitre à l’histoire de famille d’Aurélie (Aurélie, ma sœur, 1988). Trente-cinq ans se sont écoulés depuis l’exil de Charlotte (Micheline Bernard) en Italie à la suite d’une grossesse incestueuse. Basant toute son œuvre sculpturale sur l’esquive et la mauvaise foi, la sculpteure qu’elle est devenue aura réussi à se cacher ses propres mécanismes de création. Mais voilà qu’un universitaire (Christian Bégin) épris de son œuvre depuis des années cherche à mettre à jour l’intimité de l’artiste, insistant sur les vertus éclairantes de l’analyse biographique pour comprendre l’œuvre artistique. Sa réflexion, loin d’être inoffensive, obligera Charlotte à contrer ces attaques et par le fait même à admettre une causalité.

Le propos est donc extrêmement pertinent. Ce passage obligé du privé au public en art porte bon nombre de contradictions intéressantes. Or, Marie Laberge s’attaque non seulement à ce thème déjà fort dense mais aussi aux traces du désir et de la sexualité sur le corps féminin. Son discours se construit sous l’angle individuel mais aussi social et politique. Une charge digne d’intérêt, faut-il le dire, mais qui reste étouffée sous un assaut d’idées. La dramaturge paraît aux prises avec une pensée qui se bouscule. On se retrouve devant des personnages qu’on dirait libérés d’un long mutisme.

Signant également la mise en scène, Marie Laberge réussit toutefois à instaurer une ambiance en contrepoids. Dans un décor ouvert de Claude Goyette, les touchantes mises en situation baignées des éclairages d’Éric Champoux créent l’illusion d’un monde organisé, réglé, paisible même, derrière lequel se niche le remous pourtant indissociable de l’acte créateur.

Jusqu’au 3 décembre
Au Théâtre Jean-Duceppe
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