Mario Borges : Erreur de jeunesse
Scène

Mario Borges : Erreur de jeunesse

Mario Borges met en scène Le Baiser de la veuve d’Israël Horowitz, une pièce traitant des conséquences psychologiques graves d’un secret bien gardé.

La souffrance des bourreaux vaut-elle moins que celle des victimes? C’est la question que semble vouloir poser le metteur en scène Mario Borges avec Le Baiser de la veuve, de l’auteur américain Israël Horowitz. On y relate la difficile confrontation de deux jeunes hommes dans la trentaine et d’une ancienne camarade de classe violée par ceux-ci et tous les autres garçons de l’école sept ans plus tôt. "On a souvent peur d’aborder le thème du viol collectif, affirme Borges qui dit avoir été frappé par l’humanité de ce texte. Pour moi, il s’agit bel et bien ici de trois solitudes. Trois solitudes qui se retrouvent après avoir rangé très loin un événement tragique qui a changé leur vie à jamais."

Après avoir brillamment mis en scène, l’année dernière, les tourments de l’adolescence avec la pièce Zone de Marcel Dubé, Borges pousse cette fois plus loin sa réflexion. "Je cherche ce qui peut entraîner un adolescent à commettre un geste si violent, surtout lorsque ce n’est pas son profil. Ces gars-là ne sont pas psychotiques. Mais comme société, nous ne les avons pas accompagnés. Ce viol s’est passé le soir du bal des finissants. Ça n’excuse rien. Le geste est grave. Mais il a suffi qu’il y en ait un plus futé que les autres pour créer un effet d’entraînement un soir de "party". Je trouve qu’il faut se questionner sur la cause."

Borges reste néanmoins conscient du danger d’un tel point de vue. "Il ne faut pas que les gens pensent qu’on diminue le drame de la victime. À ce sujet, cette pièce est bien ficelée, il y a des revirements de situation. Ce n’est pas simple. Mais je n’ai voulu juger aucun des trois personnages. Ce serait unidimensionnel, donc inintéressant."

CROISÉE DES CHEMINS

Outre un personnage de victime assez complexe, la pièce présente deux types d’agresseurs. "Kevin est le leader, il est dans une recherche de reconnaissance, explique Borges. Il a tellement peur d’être blessé qu’il cherche à tout contrôler. Alors que Benoît, c’est celui qui a toujours été différent des autres. C’est un cœur immense mais malhabile. Il a, bien sûr, subi l’effet d’entraînement, mais en posant ce geste, il a tenté de donner de l’amour. Sept ans plus tard, les garçons n’ont pas tant changé, alors que la victime, qui a quitté la ville, a fait du chemin de son côté."

La pièce d’Horowitz questionne donc le passage du temps sur l’événement tragique. "Habitant un petit bled, ces trois individus ont toujours été à l’école ensemble depuis la première année. Et puis un jour, le drame arrive, la synergie se brise. Dans cette pièce, chacun est donc maintenant confronté au cheminement qu’ont fait les autres pendant ces sept années d’absence. C’est l’intérêt d’une rencontre de trentenaires…"

Pour servir le propos, le metteur en scène mettra la direction d’acteur à l’avant-plan. "Cette pièce m’apparaissait éminemment théâtrale – de par la densité des émotions – mais aussi hyperréaliste. C’est un très beau défi. Les codes seront davantage dans les regards que se jettent les acteurs, dans leurs non-dits, plutôt que dans un décor élaboré."

Si Horowitz a signé ce texte au milieu des années 70, Borges s’étonne de l’actualité d’une pièce dont il aura fallu adapter uniquement le niveau de langage pour une résonance plus québécoise. "Des professeurs refusent d’enseigner à Montréal car ils ont peur, conclut Borges. Je ne pouvais donc pas monter cette pièce aujourd’hui en ne fouillant pas de tous les côtés. Je dois poser la question: d’où vient ce besoin de se faire justice?" Avec Julie Beauchemin, Antoine Bertrand et Marc-François Blondin.

Jusqu’au 26 novembre
À l’Espace Geordie
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