Sainte-Jeanne : Aux âmes bien nées
Sainte-Jeanne, de George Bernard Shaw, allie au drame historique et épique une vision critique et une pointe de fantaisie; la mise en scène de Gill Champagne le suit, et le sert bien.
En ouverture, apparition de Jeanne, après sa mort, traversant sans ciller le feu des combats, sur fond de musique rythmée (Yves Dubois). Puis, retour en arrière, à partir de sa première démarche pour obtenir une escorte afin de se rendre auprès du Dauphin Charles, puis au siège d’Orléans. S’en suivent les principales étapes de son histoire, où elle convainc même les sceptiques, impressionne par son audace, mène les hommes à la victoire et le Dauphin au couronnement. Jusqu’à ce que, devenue gênante, elle constate la défection de tous ses appuis, et doive affronter le tribunal qui, largement motivé par des intérêts politiques, la déclare hérétique et l’envoie au bûcher.
Malgré son intérêt historique et la vivacité des répliques, la pièce compte quelques longueurs, notamment lors de discussions théologiques ou politiques alourdies par un certain statisme, ou par des mouvements de groupe pas toujours réussis. Autrement, le rythme de l’ensemble est énergique, à l’image de l’impatience de Jeanne, pour qui la bataille ne commence jamais assez tôt.
Souvent évocatrice, la mise en scène recourt aussi à la métaphore, particulièrement en deuxième partie. Une fantaisie étonnante apparaît dans la scène du tribunal, par l’utilisation inattendue du décor et par les costumes (Marie-Chantale Vaillancourt), dont la folie ravit: le tout transforme les juges en des rapaces guettant leur proie. La fin de la pièce surprend et réjouit, comme un sourire sur cette épopée dramatique. À souligner, l’utilisation particulièrement ingénieuse des accessoires, combinant utilité et portée symbolique des objets pour créer de très fortes images.
L’interprétation, malgré un jeu parfois inégal pour certains, est en général de grande qualité. Marjorie Vaillancourt, dans le rôle principal, est remarquable: par la fougue, la vitalité, la douceur qu’elle lui insuffle, elle fait de Jeanne un personnage attachant, fort, touchant par sa jeunesse, sa pureté.
Jeune femme à la détermination emportée et admirable, Jeanne d’Arc, personnage historique et mythique, apparaît ici comme une figure plus humaine que l’icône qu’on nous présente habituellement. C’est là un des grands intérêts du spectacle.
Jusqu’au 26 novembre
Au Trident
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