Christophe Rapin et Félixe Ross : La planète des singes
Christophe Rapin et Félixe Ross explorent la vie à deux dans Les Bonobos, le plus récent spectacle de Carole Nadeau.
Depuis le début des années 90, Christophe Rapin, immigrant français, et Félixe Ross, diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, ne se sont pour ainsi dire jamais quittés. Professionnellement, bien entendu. Ils appartiennent notamment au Groupe de Poésie Moderne (Le Boson de Higgs), une compagnie dont les réalisations s’appuient sur la biomécanique de Meyerhold. Au fil des années, les comédiens ont développé une véritable complicité, à la scène comme à la ville. "Dans le travail, on n’a pas besoin de se consulter beaucoup", affirme Ross. "On est rapidement dans une même énergie", confirme Rapin. Ainsi, les deux acteurs incarnent souvent des couples, et pas des plus banals. "Vous voulez un couple un peu sauté, lance Christophe, appelez-nous!"
Voilà qui pourrait expliquer, du moins en partie, que Carole Nadeau (MeMyLee Miller, Provincetown Playhouse, juillet 1919, j’avais 19 ans, Le Contrat) ait fait appel à eux pour défendre Les Bonobos, un spectacle abordant de manière pour le moins anticonformiste le thème de la vie à deux. Félixe et Christophe collaborent donc pour la première fois avec celle qui dirige depuis 1993 la cellule de création multidisciplinaire Le Pont Bridge. "Pour moi, c’est quelqu’un de complètement surprenant, déclare Ross. Son travail est en quelque sorte impressionniste. Si tu regardes de trop près, on dirait de la pizza, mais en reculant, on réalise que c’est une œuvre magnifique. Elle est fascinante!" "Ce sont des choses nouvelles pour nous, ajoute Rapin. La représentation s’apparente à une installation. Visuellement, il y a une multiplication des sens. Les réflexions [dans le sens d’images réfléchies] dévoilent un autre monde." "Il faut arriver à travailler avec les projections comme avec un autre partenaire de jeu", considère Ross.
LA VIE À DEUX
C’est par l’intermédiaire d’un complice de longue date, le dramaturge Stéphane Hogue (Ceci n’est pas une pipe), que le tandem d’acteurs a été initié au projet. Il faut savoir que des textes de Hogue se retrouvent dans la mosaïque sur laquelle s’appuie le spectacle. "Le collage de Carole est guidé par la thématique du couple, explique Rapin. Il y est question de l’animalité des rapports humains, de la partie bestiale ou pulsionnelle qui se trouve en nous." "Il y a des couples qui trouvent fabuleux de s’entredéchirer, ajoute Ross. Ils disent que c’est de la passion, que ça leur donne l’impression de vivre, d’exister, d’être aimés. On a donc essayé de faire des parallèles entre ces comportements et ceux des bonobos."
Le bonobo est une espèce de primate vivant dans les forêts tropicales du Congo. Plus proche encore de l’être humain que le chimpanzé commun, il se distingue par une organisation sociétale basée sur la fraternité plutôt que sur l’affrontement. "Les pratiques sexuelles des bonobos sont très semblables aux nôtres, précise Ross. Ils font l’amour pour le plaisir et canalisent leur agressivité dans la sexualité." En puisant aux œuvres de Heiner Müller, Fernando Pessoa, Christophe Allwright, Stéphane Hogue et Georges Wolinski (le bédéiste!), le montage juxtapose, avec humour et dérision, des couples de toutes espèces (c’est le cas de le dire), des visions absurdes et révélatrices du rapport amoureux. "On n’a pas la prétention de donner des réponses, insiste Rapin. Le plus intéressant, ce serait de permettre aux gens de se questionner un peu et de rire, parce que la réflexion passe par le rire." "On a d’ailleurs invité tous les singes du zoo de Granby", plaisante Félixe. "Mais on leur a dit: "Tenue de ville obligatoire!"", spécifie Christophe, avant de s’esclaffer.
Du 24 novembre au 4 décembre
Au Théâtre La Chapelle
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