Demain matin, Montréal m’attend : Déjeuner sur la Main
Avec Demain matin, Montréal m’attend, Pier Rodier donne des échos modernes au culte de la célébrité dans une production communautaire qui réunit 21 interprètes.
Après Hair (Théâtre de l’Île) et Les Sept Péchés capitaux des petits bourgeois (Vox Théâtre), le metteur en scène Pier Rodier s’attaque maintenant à une autre comédie musicale, qui fait renaître le Montréal des années 60 dans ses déboires de la rue Main. Écrit par l’incontournable Michel Tremblay sur une musique du pianiste d’Ottawa François Dompierre, Demain matin, Montréal m’attend avait brassé la cage de son public lors de sa création en 1970 avec ses personnages de travelos, de prostitués et son langage châtié. "Quand j’ai relu la pièce, j’ai pensé à ce choc socio-affectif ou sociopolitique de 68… En 2005, je pense qu’on accepte mieux les différences. Mais il y a toujours ce fait de "l’ambition à quel prix?". On n’a pas changé, tout le monde veut être vedette. Ce qui a changé, ce sont les milieux. Et à l’époque, c’était un milieu underground avec Lola Lee dans les cabarets, boîtes qui n’existent presque plus aujourd’hui à Montréal", remarque Pier Rodier.
Louise Tétrault, une jeune fille de 18 ans, gagne un concours de chant amateur dans son patelin natal de Saint-Martin. Prochaine étape pour cette battante: la grande métropole. Elle y rejoindra sa grande sœur Rita (Lola Lee), qui évolue déjà dans les clubs de nuit. Sentant la compétition, elle tentera de décourager sa petite sœur de se lancer dans ce métier. "Même si c’est une comédie musicale, c’est noir. Les personnages en quête d’amour de Tremblay y sont. Tout le monde dans ce show-là n’arrête pas de se "bitcher" et de raconter leur névrose, leur désarroi de vivre. De temps en temps, tu as un peu de glamour à l’américaine, c’est très papier glacé, mais c’est faux."
Allant moins dans la direction "Broadway" que Denise Filiatrault proposait en 1995, Pier est resté dans l’univers qu’il aime bien, celui des Brecht et Kantor. "Dans les déplacements, j’ai voulu utiliser d’autres niveaux de transmission des émotions par le corps. J’ai beaucoup travaillé sur la gestuelle du personnage, ses mouvements. Il y a 19 chorégraphies, alors ça a été beaucoup d’ouvrage, mais j’ai voulu tout dépouiller, simplifier", explique le directeur artistique de la compagnie Vox Théâtre en ajoutant que les chorégraphies se basent sur des mouvements de bassin, évoquant "la survie et la sexualité" de l’époque.
"Les images sont très fortes aussi, continue-t-il. Je me suis imaginé que les personnages étaient comme des mannequins ou des images lorsqu’ils ne parlaient pas ou n’étaient pas dans le feu de l’action. J’ai probablement été influencé par les revues, les ouvrages de référence des années 60 où on demandait toujours des poses; c’était très posé. Et tout ce qui est émotions fortes dans le spectacle, ça ne bouge pas du tout, c’est juste la voix, les regards…" conclut-il.
Jusqu’au 10 décembre à 20 h
Au Théâtre de l’Île
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